J'y suis allé à reculons, car on est dans une période de régression thématique sauvage. En effet, depuis que Trump est élu, Hollywood veut à tout prix nous redémontrer que le racisme, c'est mal. N'oubliez pas les leçons de l'histoire, nous crient ces gens qui vivent dans le passé. Et dans ce contexte de moralisme bien lourd, Get Out essaye quelque chose nouveau. C'est bien parce qu'il désamorce à un moment la thématique raciste que ses défenseurs (convaincus avant d'entrer dans la salle) se retrouvent un peu embêtés et à dire que ce film est compliqué, qu'il voulait parler des blancs qui font semblant d'être tolérants, mais qu'il ne va finalement pas assez loin (cf mad movies 307). Le film va plus loin pourtant, parce qu'il développe réellement un concept post raciste.


Le post-racisme (période succédant au racisme), ce n'est juste un racisme qui serait caché. C'est un racisme incontournable, omniprésent et tenu pour acquis, mais que plus personne ne sait gérer. Les noirs sont constamment méfiants envers les blancs (cherchant les tics racistes), et les blancs sont constamment sur la défensive (en tentant d'avoir l'air décontracté), toujours prêts à se justifier d'avoir une conscience sociale à l'opposé du racisme. Tout le monde est pris dans ce pot de glue idéologique qui est de rejeter le racisme et d'adopter une attitude anti-raciste qui au fond est bâtie sur le même principe de différence que le racisme prétendument combattu. Aussi, cette idée de lier cette admiration insistante au racisme est salutaire, puisque la discrimination s'opère toujours, et qu'elle est déguisée de façon criarde, visible. Les blancs ne fonctionnent plus par haine, mais dans un délire pro-minoritaire, une déviation de racisme devenue positive jusqu'au point maladif de vouloir devenir noir. L'idée peut sembler absurde, mais dans un contexte politisé (la surfaite citation de Camus "La démocratie, ce n'est pas la dictature de la majorité, mais la protection des minorités", aujourd'hui dévoyée en clientélisme électoral), elle y trouve du sens. Le principe de transfert de personnalité (le concept du film) n'a aucunement besoin de critères raciaux, il fonctionne sur de simples tendances de goûts. Et donc cette afrophilie est délibérée, complètement bâtie sur cette inversion des rapports sociaux, promouvant les minorités en flattant l'humanisme (ici en utilisant régulièrement des caractères génétiques ou raciaux pour soutenir cette admiration et lui donner un côté malsain). Toutefois, le film ne va pas trop loin, car réfléchir sur le sujet du racisme dans le politiquement correct devient vite risqué. Par dessus se rajoute le petit concept du film, à savoir l'hypnose et la potentielle manipulation qu'elle induit (le concept est par la suite poussé plus loin tout en désamorçant le racisme traditionnel, puisque les codes négatifs se sont changés en positifs (le film n'ira pas plus loin, laissant le sujet de la dépossession culturelle et de la promotion minoritaire de côté)). Le film gère bien son crescendo. Hélas, dès qu'il faut tenter une sortie, il se casse la gueule.


L'humour du film, récurrent, vient créer régulièrement des moments de décalages qui dans la forme cassent la tension et dans le fond veulent redramatiser lourdement les thématiques racistes (ce qui manque assez de subtilité, nous sommes capable d'y réfléchir sans être mis en condition). Mais c'est surtout durant les 20 dernières minutes que le film se redirige plein pot dans le traditionnel face à face raciste blanc vs noir, avec un usage de la force létale unanimement toléré à l'encontre des blancs. On se retrouve donc dans le classique "pendez moi ces racistes haut et court" qui s'enferme à nouveau dans la logique de tuer l'ennemi car il est moins civilisé que nous (puisque raciste). Même si eux n'ont pas tué (à fortiori, ils donnent dans la mutilation cérébrale, ce qui reste une agression sérieuse, mais pas irréversible). Ce basculement sommaire, bien moins subtile que le reste du film, tire hélas vers le bas, concluant mollement un spectacle qui partait pourtant bien. Le résultat reste tout de même plutôt efficace, un peu en dehors de ses concurrents, le temps de planter ses thématiques.

Voracinéphile
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le 27 mai 2017

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