Ghost Dog, c’est la rencontre bipolaire entre l’épopée samouraï quasi mystique et le polar mafieux bien noir, dans un univers urbain crépusculaire rythmé par les beats pesant d’une bande son hip-hopée lunaire, signée RZA. La rencontre explosive entre de vieux mafieux décrépis jacassant sans cesse et un tueur solitaire mutique vivant selon les préceptes samouraï. La rencontre anachronique entre deux systèmes de valeurs basés sur l’honneur et le respect dans une société pervertie et corrompue qui a depuis longtemps piétinée ces deux valeurs de ses gros sabots disgracieux.


Ghost Dog (un Forest Withaker tout en présence physique), dégaine pataude de gangsta rap, tueur professionnel érudit suivant le code d’honneur samouraï, vit au milieu de ses pigeons qu’il utilise pour communiquer et arpente le bitume nocturne de rues désertées au volant de voitures volées, toujours accompagnés de sa musique sur galettes argentées. En vie grâce à un mafieux italiens, il lui a offert sa loyauté et accomplit tous les contrats qu’il lui confit, jusqu’à une mission qui tourne mal. Les commanditaires italiens veulent sa tête. C’est la guerre.


Un bateau sur un toit


Entre règlements de comptes efficaces, séances de lectures passionnées et repos méditatif, Ghost Dog discute avec son meilleur ami qui ne parle pas un mot d’anglais, pour des séquences drôles et touchantes de conversations ou ni l’un ni l’autre ne se comprennent, mais où ils sont toujours sur la même longueur d’onde. Entre gunfights épurés et séquences contemplatives d’une géniale simplicité, Jarmusch saisi comme à son habitude la grâce sincère de moments banals en les plongeant dans une ambiance mélancolique hypnotique. L’épure pure. Si notre tueur samouraï bute du rital en costar à tour de bras, ce sont bien des rafales d’humanités que l’on se prend en pleine tronche.


Des vieux mafieux complètement dépassés qui passe leur temps à tenir des conversations ridicules, un vendeur de glace toujours souriant mais dont personne ne comprend jamais le moindre mot et Ghost dog, qui vit reclus sur son toit avec son code morale ancestral et ses pigeons voyageurs. Tous les personnages vivent dans un monde qui n’est pas le leur, un monde où ils ne sont pas à leur place, un monde où ils ne peuvent s’exprimer pleinement. Une scène symbolise à la perfection cette rupture, cette inadaptation. Ghost Dog et son ami vendeur de glace contemplent les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres un bateau en construction sur un toit, amusés et fascinés. C’est fou, c’est beau, mais une foi achevé, que faire ? Il n’aura plus qu’à voguer dans les nuages.


Tous les personnages de Ghost Dog sont comme ce bateau sur un toit, perdus dans un monde qui n’est pas le leur et on les contemple les yeux écarquillé, le sourire aux lèvres, amusé et fasciné.

Clode
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le 19 mai 2015

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