Gloria par Christine Deschamps

A la suite d'un documentaire sur Gena Rowlands et John Cassavetes, il ne me restait plus qu'à me plonger dans le New York de 1980, cette ville dangereuse et sale qui n'a plus grand-chose à voir avec celle d'aujourd'hui. On ne sait plus trop si s'en réjouir quand on passe deux heures à fuir la pègre locale, perché sur les talons hauts de cette Gloria magnifique, exempte de toute peur et prête pour dézinguer le premier tueur venu, dans l'unique but de protéger un enfant de 6 ans un peu pénible, qu'elle prétend ne pas aimer du tout. Dans la tradition des femmes fortes et relativement grande gueule qui portent les films sur leurs épaules, celle-ci est particulièrement réussie et attachante. Entre deux âges, sans éléments biographiques inutiles, réduite à sa farouche volonté de mettre le petit à l'abri de la bêtise des machos, elle occupe quasiment tous les plans, promenant ses yeux battus et farouches sur des décors mités ne parvenant pas à entacher son élégance naturelle. Et pourtant, elle a l'abattage de la panzer division quand elle arpente les trottoirs fissurés et sales de la ville. Mais son obstination inexpliquée lui vaut de suite l'affection du spectateur. La voilà embringuée dans une histoire impossible, mais jamais elle ne doute de sa capacité à s'en tirer. Jamais elle ne se plaint non plus : elle connaît son devoir, elle sait qu'il la condamne, mais des fois, il faut juste faire ce qu'il y a à faire. Autant dire que le réalisateur la choie : son œil ne la quitte jamais, même s'il ne lui fait guère de cadeau. Il n'est pas question ici de glamour, mais de l'art consommé d'une belle actrice, et ça fait un bien fou; on pardonnera alors facilement les longueurs, les cavalcades épuisantes et un final un peu niais.