La comédie musicale est un genre miné : réussie, c'est un déferlement de pure allégresse, de fantaisie bon enfant, une parenthèse enchantée qui vous fait oublier le sombre quotidien, vous donne des ailes, et à peine sorti de la projection, pendant quelques minutes, heures, voire jours, vous avez envie de chanter et de danser avec le premier ananas venu, la vie est devenue un Gin-Fizz géant.
Mais le revers de la médaille est violent : ratée, vous ne voyez plus que des rictus de fausse joie, des tartines de bons sentiments frelatés, d'horribles vieux enfants qui ne veulent pas grandir, et qui sont prêt à jouer avec des poupées mortes plutôt que d'accepter de voir l'atroce vérité en face : tout passe !

Ce qui fait la merveille du genre, c'est ce danger, ce frôlement de l'abîme permanent : tombera, tombera pas ? Malheureusement, avec son Good News, Charles Walters choit les deux pieds dedans. C'est dommage, car le côté "Gossip Girl en 1927" aurait pu donner lieu à une intrigue légère et charmante, simple prétexte à des numéros enjoués, des imbroglios estudiantins, des chorégraphies turbulentes et colorées... Là, Walters grille la plupart de ses cartouches dès les 3 premières minutes du film, tire une salve - indienne - au milieu, et remet le couvert à la fin, espérant camoufler ainsi la pauvreté des autres numéros musicaux. Pourquoi donc tout miser sur l'intrigue, alors qu'elle est ridiculement mal ficelée, que ses ressorts sont lourds comme un hippopotame en tutu, que les personnages sont au-delà du caricatural et que les acteurs (qui ont tous quinze ans de trop) plus mauvais que dans une telenovela bulgare ?

Réaliser une comédie musicale, c'est un peu comme se lancer dans une mousse au chocolat : de bons ingrédients, c'est important, mais ça ne suffit pas. Il faut le tact, le doigté, la ferme évanescence du grand cuisinier, qui sait mélanger l'amertume du chocolat à la merveilleuse légèreté des œufs en neige. Appuyez le trait, comme ici, et les bulles de champagne se transforment en indigeste soupe à la grimace : tout ce que vous y gagnerez, c'est une affreuse crise de foi !
Chaiev
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le 16 janv. 2011

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