Good Time dans le jargon judiciaire aux Etats-Unis correspond à une réduction de peine accordée à un prisonnier au comportement exemplaire. Ironiquement, le film des frères Safdie, raconte les infortunes de deux fuyards qui, loin d'arranger leur cas vont aller de catastrophes en avanies. Et cette impossibilité d'échapper à sa condition sociale prend forme dès la scène d'ouverture où l'on voit un psychiatre interroger un type visiblement demeuré. Le décalage entre ses réponses et celles attendues préfigure l'incapacité des personnages à trouver les bonnes solutions à leurs problèmes.
Les deux frangins de l'histoire donc, Connie (Pattinson très bon) et Nick (joué par un des réalisateurs) ne font qu'entrevoir le Rêve américain - 15000 dollars et une Lamborghini - jusqu'à ce qu'il fasse pschitt... Puis s'enchaine une succession de ratés, de malentendus, de mauvais choix de la part des deux pieds nickelés. Une spirale infernale qui semble ne leur laisser aucune chance. Pour autant, l'enchainement implacable des évènements est émaillé, ici ou là de surprises, et même de pointes d'humour qui cassent un scénario quelque peu répétitif.
Mais Good Time est bien plus qu'un simple thriller. Il est très intéressant dans ce qu'il raconte des gens en marge de la société et comment cette marginalisation se traduit par le langage. La faiblesse des mots ou leur pouvoir selon de quel côté on se trouve. Car la société dans Good Time se construit sur de l'injustice sociale mais également sur une forme d'illusion. Tout est mascarade, au premier sens du terme. Non seulement les personnages agissent le plus souvent masqués - dans la banque, derrière des pansements, cachés parmi les figures du train fantôme ou sous des déguisements - mais surtout leur rapport au langage s'inscrit dans des rapports de force. Pour le frère, pour les pauvres gens, les mots sont piégés ou limités. Tandis que pour d'autres, ce sont au contraire des armes de persuasion. C'est le cas du psychiatre, qui de toute évidence est très à l'aise avec le verbe, de Connie qui embobine tour à tour toutes les personnes qu'il rencontre.
Ainsi, les frères Safdie - à la suite de Tarantino - font à leur tour la démonstration que le cinéma c'est d'abord du langage. Et qu'il y a des films que les personnages se font simplement à partir des mots comme dans ce récit halluciné où Ray raconte sa permission de la veille.
Enfin, Good Time est également un très beau film plastique et musical. Une bande originale plaisante et une partition visuelle somptueuse qui joue pour l'essentiel sur deux tonalités : le bleu et le rouge. Bleu des néons, de la télévision, des voitures de flic. Rouge comme la veste de Connie, comme la teinture qui les éclabousse et comme le sang sur le bitume...
Une très bonne surprise.


Personnages/interprétation : 9/10
Scénario/histoire : 6/10 (la faiblesse du film)
Réalisation/mise en scène : 7/10


7.5/10


<3

Theloma
7
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le 21 sept. 2017

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Theloma

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