J’aurais voulu m’exclamer comme tous les Casanovas du neuf trois écumant les forums : « Trop de la tuerie de ouf d’la balle ouesh ma ouille. Purée de film de streumon trop guedin qui déboite sa maman » …J’aurais voulu éructer comme n’importe quel boboïde des inrocks : « une fantasmagorie gore mutée en songerie alcoolisée et proustienne, nimbée d’un brûlant psychodrame sans concession »…J’aurais voulu ressentir autre chose que ce contentement frustre de repus qui ne se nourrit que parce qu’il a faim. Malheureusement, et malgré toutes ses qualités sur lesquelles je reviendrai, Grabbers ne souffre pas la comparaison avec ses illustres prédécesseurs dans le genre strictement british de l’horreur absurde et rigolarde. La faute à une écriture encore trop soucieuse de préserver les aspects horrifiques d’un pitch pourtant redoutable : la petit île d’Erin subit les assauts sanguinaires d’aliens tentaculés et alcoolophobiques. La seule façon de leur échapper est de se beurrer la gueule reclus dans le seul pub du coin. On imagine sans peine ce qu’aurait pu faire le tandem Pegg/Frost d’un tel scénar…Mais Jon Wright, le réalisateur de ce film, est seul. Et c’est encore le meilleur moyen d’avoir le cul entre deux chaises.
A force de trop soigner les développements d’un récit somme toute assez convenu, alors qu’un tel pitch rend de toute façon vains les efforts de cohérence scénaristique et/ou dramatique, Jon Wright oublie de profiter de ses personnages, caricaturaux mais atypiques et surtout bourrés à un moment ou autre du film, comme de situations foncièrement drôles (l’assaut du pub dans lequel toute l’île est réunie pour boire sans modération aurait du être l’apogée du film). C’est d’autant plus frustrant qu’il y a tous les germes d’une réussite totalement déjantée : une belle ambiance irlandaise, des personnages hauts en couleur, une mise en scène soignée, des effets spéciaux bien foutus et des litres de bière. On passe donc un agréable moment…Tout en regrettant que le film ne devienne jamais complètement fou et reste sagement dans les limites d’un récit qui se déroule inexorablement sans permettre aucune digression.
Pourquoi regarder : pour la scène ou le jeune scientifique du coin, condescendant et un peu coincé, tente de prendre en photo le monstre pour National Geographic alors qu’il est complètement pété.
Pourquoi ne pas regarder : parce que l’attaque de la pieuvre géante dans 20000 lieux sous les mers vous a laissé de marbre.