L’esthétique à vide
Gretel & Hansel cristallise à lui seul la beauté figée et inerte de ce sillon du cinéma d’épouvante notamment creusé par Ari Aster, qui évacue tout désir, toute sensibilité, toute humanité pour...
le 11 avr. 2020
12 j'aime
2
Le conte « Hansel et Gretel » des frères Grimm fait partie des classiques de la littérature pour enfants. Il n’a pas connu d’adaptation en live vraiment fidèle au matériau original et c’est même étonnant qu’aucun studio (même d’animation) ne s’y soit pas encore penché. En revanche, il a connu deux adaptations très librement inspirées du conte et toutes deux prenant le chemin de l’horreur et/ou du fantastique. Il y a dix ans sortait donc le film d’action et d’aventures « Hansel & Gretel » qui relevait plus de la série B de luxe en mode effets spéciaux, bastons et créatures horrifiques à la « Van Helsing ». Le résultat était divertissant mais bête à souhait et oubliable. Puis vint ce « Gretel et Hansel », où on est toujours dans le fantastique mais qui lorgne davantage vers le renouveau de ce genre du cinéma, indépendant et américain, représenté par des cinéastes comme Ari Aster et Robert Eggers, dont le « The Witch » se retrouve par plusieurs aspects ici.
Oz Perkins emprunte forcément un peu à ses néo-cinéastes, nouveaux étendards d’un genre trop souvent perçu comme inférieur par l’industrie, et auquel ils ont redonné un peu de lettres de noblesse. Mais si Oz Perkins nous offre un livre d’images magnifique, soigné et qui capte la rétine de la plus belle des manières, le résultat n’est pas à la hauteur des modèles dont il s’inspire (« Midsommar », « The Lighthouse », ...). Bien trop court (une heure et vingt minutes top chrono sans le générique), « Gretel et Hansel » ne développe rien de ces thématiques déjà peu nombreuses et semble incapable d’être autre chose qu’un incroyable objet d’art visuel cinématographique. Comme une coquille vide. Que ce soit les rares seconds rôles inexploités (le chasseur, la mère, ...), l’allégorie sur le passage à l’âge adulte de Gretel en tant que personnage principal dessinée à gros traits avec un Hansel volontairement mis moins en avant, les revirements d’idées trop brusques des personnages (Hansel se plaît dans la maison de la sorcière un jour puis plus le lendemain) ou encore une conclusion un peu trop sibylline concernant une potentielle lignée de sorcières. On ne parle pas ici de la signification du dernier plan, très indiquée et laissant libre cours à l’interprétation de chacun. Un gimmick propre au fantastique littéraire qui sied donc bien au film. En effet, il ne faut pas toujours tout expliquer, il est agréable aussi de se faire son propre avis et on critique plus le cœur du récit maladroitement expliqué et amené.
« Gretel et Hansel » est donc le prototype même de l’œuvre aussi parfaitement travaillée, maîtrisée et réussie visuellement qu’elle est vide sur le fond. Entre le clip magnifiquement lugubre et sinistre et l’œuvre d’art contemporaine animée, c’est le genre de film qui s’admire plutôt qu’il ne se vit. La précision des cadrages, la géométrie des décors (ah cette maison triangulaire ou ce sous-sol très lovecraftien) et le jeu sur les lumières et les ombres (c’est certainement les silhouettes étranges et suggérées dans la forêt qui procurent le plus de frissons) en font un long-métrage parfait à contempler mais qui pourra en ennuyer ou en décontenancer certains. Il est court donc cela passe vite mais si Perkins avait densifié son script, ses personnages et éclairer davantage certains points, il est probable que ce film aurait été de l’acabit des œuvres citées plus haut. L’atmosphère, renforcée par une partition musicale adaptée et de premier choix, est vraiment réussie et cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu sorcière si malaisante. En somme, ce conte inspire à raison les auteurs, mais pour le moment entre le film arty un peu vide et inabouti et la version bourrin saturée d’effets spéciaux et un peu idiote, on n’a pas encore trouvé la panacée.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.
Créée
le 19 avr. 2022
Critique lue 28 fois
D'autres avis sur Gretel & Hansel
Gretel & Hansel cristallise à lui seul la beauté figée et inerte de ce sillon du cinéma d’épouvante notamment creusé par Ari Aster, qui évacue tout désir, toute sensibilité, toute humanité pour...
le 11 avr. 2020
12 j'aime
2
Bon, le troisième long-métrage d'Oz Perkins ne réserve pas trop de surprises quant au sous-texte à interpréter sur le fond de la proposition : Gretel n'est évidemment pas en première position dans le...
Par
le 12 avr. 2020
11 j'aime
Quand Gretel opère son coming-of-age ans un monde cruel aux airs de fables horrifique. Gretel & Hansel faisait partie de ma petite watchlist des nouveautés made in 2020 et contrairement à The...
Par
le 9 avr. 2020
3 j'aime
Du même critique
Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...
Par
le 15 nov. 2018
93 j'aime
10
Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...
Par
le 27 oct. 2022
88 j'aime
11
On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...
Par
le 18 oct. 2018
81 j'aime
11