Gueules noires
5.6
Gueules noires

Film de Mathieu Turi (2023)

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J’ai beaucoup d’affection, même un grand amour pour les mineurs, pour tout ce qui touche le sujet de près ou de loin. J’ai pu faire beaucoup de recherches très instructives, afin d’aller au fond des choses, approcher au plus près ces mineurs. Les mineurs de fond, donc. Évidemment, quoi d'autre ?

Bref, aujourd’hui on va parler du nouveau film de Mathieu Turi pas super recommandé par Jean-Marie Le Pen : Gueules Noires, dans lequel on va suivre nos pauvres hommes accompagnés d’un scientifique-chercheur taiseux sur ses intentions, s’enfoncer sous terre, vers une mort certaine…


[Et deux vannes pas terribles pour le prix d’une !, ça commence bien…]


|Manifestement, il y a une situation qui inspire beaucoup notre réalisateur français : le confinement d’un personnage dans un lieu étroit, duquel il/elle doit tenter de s’échapper, pendant une bonne partie du film, une menace imminente y rôdant. Il ne s’en cache pas, ses références horreur-SF ‘survival’ (Alien premier du nom, Predator first in ze name, etc.) animent des scenarii fiévreux et des situations anxiogèno-angoissantes. Son personnage doit faire face à une ou des entités qui veulent le tuer et contre lesquelles il doit se ressaisir sur l’instant pour amener le récit à évoluer, à s’achever avec un renversement qui amène l’histoire sur une voie qu’on avait pas vu venir.

La nouveauté ici avec Gueules Noires est que le protagoniste n’est plus seul, puisque on y suit tout une ribambelle de personnages masculins. Nos mineurs de fonds, donc. Qui devront descendre, plus profondément sous terre qu’ils n’imaginaient, dans cette gorge souterraine malade, de laquelle, si le lien avec la surface venait à se rompre, jamais il ne pourrait être entendu, quand bien même ils crieraient de tout leur poumons.

Une critique que j’ai entendu affirmait que l’écriture desdits personnages manquait de matière, ne nous présentant que quelques types de personnalité pas très affirmés et pas franchement originales dans le genre. Je ne suis pas tout-à-fait d’accord sur ce point.

|Ce qui coince à mon sens est la caractérisation bancale et malheureusement assez stéréotypesque de quelques uns des perso secondaires – comme Louis par exemple, le jeune crétin qui bully notre Amir à coups de punchlines racistes, assez faciles et un peu lourdingues à la longue [c’est tonton Jean-Ma’ qui est content]. Quoi qu’il me semble en y repensant que ça mettait au moins en lumière les tendances de pensée xénophobes latentes dans l’inconscient populaire de ces milieux pauvres économiquement et culturellement (plus généralement le milieu ouvrier), sans véritable moyen d’émancipation intellectuelle et sociale. Bref, ne rentrons pas dans ce débat.

Ce qui m’intéresse davantage dans l’écriture des personnages c’est, malgré certaines facilités, une caractérisation assez efficace qui nous permet le minimum d’empathie pour chacun d’entre eux (empathie a intensité variable il faut bien l’dire).

|De son côté, si la mise en scène reste encore assez ‘‘scolaire’’ (et encore…), elle aussi fait montre d’efficacité tout en jouant, une fois de plus – pareillement à *Hostile* et *Méandre* -, sur une idée chère à nombre de cinéastes : la dissimulation. L’ingéniosité de Turi est double : non-seulement il nous cache la ‘‘bête’’ pendant un bon tiers et demi de métrage, mais en plus la séquence d’introduction nous dévoile une main, seulement une main, avec ses longs et fins doigts de monstre ; ainsi, jusqu’à ce que le reste de l’entité nous soit enfin montré, le spectateur lui ne peut faire autrement que d’imaginer encore et encore le reste du corps du monstre, ce corps, qu’on devine, qu’on imagine, à défaut de pouvoir le voir. C’est en cela que la tension montante, accompagnée de *comic reliefs* plutôt amusants, nous enfonce dans l’incertitude et le doute, eu égard la véritable nature de ce que nos protagonistes feraient mieux de redouter et vite.

Si la musique est un peu plus oubliable car assez versatile (tantôt à propos et stridente, tantôt… ben, meh je suppose?), la création et reconstitution des décors, des costumes, de la vie des mineurs (la présentation de leur métier, de leur matériel et leur morning routine est super!) est ce qui achève d’emporter mon adhésion.

Il faut dire deux mots du climax : sans spoil – j’ai été surpris ; d’abord étonné, presque un peu circonspect, ensuite agréablement saisi par ce que le film décide de raconter de [insérer nom chiant de créature mythique], dessinant un début de mythologie autour de cette monstruosité mi-intriguant mi-effrayante et re mi-intriguant derrière.


On a un film qui vient arc-bouter les deux p’tits frères qui l’avaient précédé, qui déjà semblaient placer Mathieu Turi comme nouveau représentant français d’un certain cinéma, mi-bis mi-auteur.

Eh oui, il aime quand y a d’la bébête un peu cracra, quand ça fait gggroaaah ou braaaarrrgh [bruitages/20] mais avec du concept derrière, sans jamais être tape-à-l’œil et avec un amour pour les films desquels il s’inspire, parfois un peu maladroitement, toujours avec sincérité [et on aime la sincérité ici].

Popoewmeow
6
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le 1 déc. 2023

Critique lue 13 fois

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Popoewmeow

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