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On retient son souffle — puis on rit nerveusement, parce qu’on croit encore au dérèglement comme geste de liberté. Le film démarre par un prank — une voiture de principal renversée — et ce geste adolescent devient le point de bascule. Le lycée se mue en prison numérique. L’IA guette. Tout est mesuré, calibré, mais aussi fissuré, comme nos cœurs.
Yūta et Kō — compagnons à l’enfance partagée — sont aussitôt désaccords. L’un brave, l’autre blessé (écrasé par sa condition d’étranger de cœur). Le temps les sépare. On sent le glissement du monde dans leur amitié. Kō, d’origine coréenne, dont la famille vit au Japon depuis quatre générations, devient cible : carte de résident exigée, surveillance faciale, isolement implicite. Leurs confidences se creusent, leurs silences crient.
La menace du séisme est motif, plus qu’événement. L’alerte sismique résonne comme une injonction à l’action. Ce tremblement à venir est moins une force de la nature qu’un catalyseur du pouvoir autoritaire : on dit « pour votre sécurité », on dicte, on inscrit chacun dans les fichiers. On tremble non seulement sous la terre, mais sous le regard. La surveillance scolaire est à l’image du régime : micro-récompenses, démerits, caméras, contrôle. Le moindre acte artistique — musique, pranks, bricolages sonores — devient subversion.
Visuellement, Bill Kirstein joue la géométrie froide : couloirs vides, bâtiments de béton, angles sévères. Certains plans sont pris à distance, comme par un drone invisible, ou une lentille d’IA. L’émotion surgit dans les interstices. La bande-son de Lia Ouyang Rusli s’insinue par vagues : des pulsations, des silences, de la dissonance. On entend le souffle, la ville, le cœur qui bat.
Et puis, l’amitié qui se désagrège : Yūta s’efface peu à peu de la lutte ; Kō se retrouve seul, ou presque. Le fossé social, ethnique, politique émerge sans fard, mais sans brutalité didactique. Le film dessine une constellation de jeunes : Ming (Shina Peng), Fumi (Kilala Inori) — voix fragiles, audacieuses — chacun à sa façon résiste, tente de composer une utopie dans l’urbanité néon.
Alors oui, on pourrait regretter que certains liens, transitions, ellipses narratifs heurtent — que le propos prenne parfois le pas sur l’intime — mais cette tension est peut-être voulue : on sent le tremblement de l’écriture qui vacille, le film comme corps sur le point de céder. On sort lézardé. Le monde — présent et futur — résonne dans les ruines de la jeunesse.
Happyend n’est pas finie quand l’écran s’éteint. Il continue dans le vertige de nos propres choix. Le séisme n’a pas frappé — mais tout ce qu’on croit immobile, on le sait, vacille déjà.
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