Hara-kiri se déroule vers 1630, au début de l’ère Edo (1603-1868), période de paix et d’isolation pour le Japon. À cette époque, la dimension guerrière du samouraï tombe en désuétude, un samouraï devenant l’équivalent d’un fonctionnaire ; ou un ronin, c’est-à-dire sans maître et donc vivant dans l’exclusion. Paradoxalement c’est à ce moment qu’est instauré le Bushidō, code d’honneur instaurant le suicide rituel du suppuku (« coupure au ventre »). Celui-ci s’impose en cas de faute grave ou de déclassement, mais peut aussi être décrété par un maître insatisfait.


Dans le film Harakiri de 1963, un samouraï se présente dans la résidence du puissant clan Li afin de commettre un harakiri en bonne et due forme. Saito, le maître, lui raconte les précédents faits du genre et notamment celui concernant Motome. Mais contrairement aux autres, Hanshiro Tsugumo vient bien pour se suicider. Il est déterminé et n’a qu’une exigence : raconter son histoire jusqu’au-bout. Ce personnage est interprété par Tatsuya Nakadai, la star du chanbara autour des années 1960 et l’acteur principal de nombreux films de Kurosawa.


Ce film réunit justement plusieurs grands noms du cinéma japonais, avec le scénariste Shinobu Hashimoto, lui aussi souvent affilié à Kurosawa, manifestant une préférence pour les narrations non-linéaires dans cet Harakiri et Rashomon en particulier. Ensuite le réalisateur de Harakiri/Seppuku est Masaki Kobayashi, auteur deux ans plus tard du fabuleux Kwaidan. Son œuvre, très consciencieuse, met en valeur les différents arts du spectacle tout en posant des jugements ambivalents envers les traditions. Ses films versent souvent dans le moralisme, Harakiri étant humaniste là où Kwaidan est plus cruel et peut-être plus profond dans son regard sur les Hommes.


Harakiri justement s’attaque violemment à l’époque Edo puisqu’il dénonce l’absurdité du rite seppuku et l’hypocrisie l’entourant. Par ailleurs Kobayashi présente les ronin/samouraï sous l’angle du ‘chômage technique’. Ces hommes sans travail ni ressources sont des otages du système féodal dont la situation est particulièrement ironique. Kobayashi ne s’écarte pas de son chemin : il est spécifique et réaliste (contrairement à Lady Snowblood), modéré dans son regard (à l’inverse du Sabre du Mal) et ne fait pas du héros le défenseur d’un véritable sens de l’honneur bafoué.


La réalisation est minimaliste et extrêmement sèche, fondée sur de nombreux flash-back et un processus implacable. La démonstration est parfaitement limpide, sans fioritures et hautement morale, ce qui explique le succès dément connu par ce film. C’est pourtant un spectacle d’une lourdeur éreintante, aux contours peut-être trop simples et inscrit dans un continuum propre entre la tension extrême et l’évanouissement. La lente et minutieuse construction débouche sur une révélation simple et puissante ; puis le film s’achève dans une tempête.


http://www.senscritique.com/film/Rashomon/critique/25754221
http://www.senscritique.com/film/Le_Sabre_du_Mal/critique/45086627
http://www.senscritique.com/film/Lady_Snowblood/critique/45331993

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le 24 janv. 2015

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Zogarok

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