Qui est le film ?
Hellboy II: The Golden Army, sorti en 2008, est le deuxième passage de Guillermo del Toro par l’univers du démon cornu créé par Mike Mignola. Après un premier opus centré sur l’installation d’un personnage dans le cadre balisé du blockbuster de super-héros, cette suite se permet une ouverture plus libre : Del Toro s’y engouffre avec son goût du merveilleux, du grotesque et du baroque. En surface, il s’agit d’un affrontement classique : Hellboy et son équipe du B.P.R.D. doivent empêcher le Prince Nuada de réveiller une armée mécanique invincible.
Que cherche-t-il à dire ?
Del Toro ambitionne de confronter le monde moderne, industrialisé et rationnel, à des forces féeriques et ancestrales que la civilisation a reléguées dans l’oubli. Le film tente de poser une question simple mais ample : qu’advient-il des légendes lorsqu’elles n’ont plus de place dans l’Histoire ? Le Prince Nuada, ennemi tragique plus que véritable “méchant”, incarne cette nostalgie : il ne lutte pas seulement pour la domination, mais pour la survie d’un monde englouti. Hellboy, créature issue des ténèbres mais enracinée dans le présent, devient le médiateur impossible entre ces deux pôles.
Par quels moyens ?
Del Toro déploie cette ambition à travers une série de dispositifs visuels et narratifs qui, chacun, portent une charge symbolique précise.
Le prologue est raconté comme un conte au coin du feu, il introduit l’Armée d’or à travers des images de marionnettes, créant une distance poétique qui oppose d’emblée le registre du mythe à celui de la modernité filmée.
La figure du Prince Nuada cristallise la nostalgie des mondes disparus. Sa silhouette, ses armes, son langage semblent sortis d’un temps ancien. Del Toro le filme comme un survivant tragique, mais peine à rendre son dilemme pleinement incarné, tant son arc narratif reste survolé.
Le marché des trolls, séquence labyrinthique où la logique humaine se dissout dans la profusion monstrueuse. C’est un moment où le film atteint sa richesse sensorielle maximale, mais il reste un détour plus qu’un moteur narratif, symptôme d’un univers qui s’éparpille.
La rencontre avec l’Ange de la Mort, Del Toro y convoque une iconographie mystique puissante. L’Ange, aux yeux multiples, incarne une fatalité cosmique qui dépasse la logique humaine. Cette séquence ouvre une brèche, mais elle arrive comme une parenthèse trop vite refermée.
La prolifération des créatures, chaque décor grouille de monstres et de détails plastiques, manifeste du cinéma artisanal de Del Toro. Si cette profusion émerveille, elle finit par diluer la tension dramatique : le spectacle de l’inventaire l’emporte sur l’architecture du récit.
Où me situer ?
Mon regard reste partagé. Je reconnais à Del Toro une générosité formelle, une inventivité plastique qui tranche avec l’uniformité des blockbusters contemporains. Le film fourmille d’idées visuelles, de créatures inoubliables, de fulgurances poétiques. Mais cette profusion semble parfois se retourner contre lui : l’émotion se disperse, les enjeux se diluent, et la mélancolie annoncée se dissout dans le foisonnement. Le drame intime d’Hellboy et Liz, la tragédie du Prince Nuada, l’horizon mythologique de l’Armée d’or : tout est là, mais rien ne trouve pleinement son axe. Je me situe donc dans un entre-deux : admiratif de l’ambition, frustré par l’exécution.
Quelle lecture en tirer ?
Hellboy II: The Golden Army témoigne d’un cinéma en tension : entre le désir de conte opératique et la mécanique du film de commande. Le résultat est un objet hybride, fascinant par moments, brouillon dans son ensemble. Il rappelle combien Del Toro croit à la valeur des mythes, mais aussi combien il peine parfois à leur donner une véritable chair dramatique dans un film corseté.