Hellraiser, cuvée 2019, produit par David S.Goyer pour la plateforme de streaming Hulu et mise en scène par David Brukner, raconte involontairement, semble-t-il, les limite d'un système qui s'est présenté autrefois comme révolutionnaire et libérateur et qui enferme, aujourd'hui (dix ans après l'avènement Netflix) la fabrique du Cinéma dans une mécanique d'appauvrissement de l'offre et des moyens. Je m'explique.

D'abord un mot sur le film, absolument dépourvu de toute ambition scénaristique. L'écriture, catastrophique, enchaîne les creux et les contradictions. Voilà d'abord notre protagoniste principale présentée comme alcoolique et toxicomane. Qu'en fera le film? Rien du tout. Voilà ensuite l'antagoniste: un milliardaire générique en recherche de sensation forte. D'où vient cette fortune? Comment a-t-il pris connaissance de l'existance du cube? Pourquoi semble-t-il si seul pour quelqu'un qui pourrait soi disant se payer un pays? Où sont ses sbires, ses sous-fifre? Ses bras droits? Ses acolytes? Fait-il parti d'un club? On ne saura rien, toujours; évidemment parcequ'il n'y a rien à savoir, les scénaristes -semblent-ils- étant trop presser d'arriver au mot "FIN". Et encore: quel chemin laborieux pour nous raconter une histoire, les détours, les pistes pour rien, le couloir final long et indigeste (deux heure de film!) mais tout ça n'est rien en comparaison de la première moitié du film. Vous qui entrez ici n'êtes pas prêt: vous allez assister à la présentation d'une gallerie de personnages allant du petit copain gay du frère à la colocataire d'origine asiatique, tout deux n'ayant même pas l'épaisseur psychologique d'une feuille blanche. Vont-il mourrir? Vont-il souffrir? J'ai bien l'impression qu'ils sont corvéable à merci: passé la première demi-heure, plus personne n'a d'intérêt pour ses personnages-là. Les voilà rendu plus fantômatique encore que le reste de bestiaire fantastique qui peuple le film.

Les cénobites, justement, parlons-en. Les voilà, en pleine lumière, avec des pages de dialogues à réciter. Comprenez bien: nous sommes aux antipodes du film initial. A la fin des années 80's, lorsdque vous regardiez Freddy par exmple, ou Hellraiser, faire face au monstre, le voir, croiser son regard relevait de la terreur pure. Les monstres qui peuplait les film de genre d'alors n'était pas là pour faire décors ou pour s'éterniser dans un échange de réplique. Mais voilà: trente ans de pop culturer plus tard, Freddy se collectionne en jouet, Jason est devenu cool et voyage dans l'espace, Leatherface est un beau poster sur votre mur et plus aucune de ses créatures ne bénéficie du capital de terreur original.

Alors aujourd'hui, dans ce Hellraiser où l'absence d'un quelquonque projet de mis en scène (Bustillo et Maury avaient un temps été préssenti pour le film, c'est dire l'importance que les producteurs accordent à la mise en scène) et où le scénario fait figure de mauvaise adaptation du dessin animée scoubidou (tout y est, de la troupe de copain dans l'encadrement d'une porte jusqu'au célèbre Van en version décolorée), voir les cénobite à droite et à gauche, plein champ, se prendre des coups, s'évaporer (il n'y a pas d'autre mot)et au final n'avoir aucune autre substance que leur apparat graphique, c'est un peu assister à un défiler de figurine à collectionner.

Rappelons-nous qu'Hulu est une succursale Disney et qu'il est donc mathématiquement impossible d'aborder un sujet fait de pisse, de sperme et de sang. Barker lui-même fait la nique à ce type de production (et à ce qu'est devenu Hellraiser dans la pop culture). Lisez Scarlet Gospel, la suite de sa nouvelle originale, et apréciez la séquence d'introduction ou le prêtre cénobite (qui déteste qu'on l'appel pinehead par ailleurs, apprend-on trés vite dans le roman) se masturbe sur ses victimes en jouissant avant tout de l'amoralité de la situation.

Ici, dans Hellraiser 2022, rien de ça: tout est propre, le sang goute mais ne gicle pas, et lorsqu'un corps éclate, c'est celui déréalisé d'un monstre dans la gallerie (l'infâme séquence vers la fin où l'héroïne arrive a faire sacrifier un cénobite à la place de son copaion, on en parle?) et encore: il faut voir la vitesse et la propreté avec laquelle le monstre explose (on se croirait devant un jeux vidéo d'une autre époque).

Le film ne fait absolument aucun commentaire ni sur le système qui l'a rendu possiblle, ni même sur le monde ou son époque. Où plutôt si, in fine, et malgré lui, trouve-t-on quelque chose à se mettre sous la dent pour ceux qui aime à réfléchir les films qu'il regardent: voici donc le célèbre artefact réinventé pour l'occasions, passant de la forme d'un cube à plusieurs autres géométrie tout le film durant, bizzare idée d'une "configuration multiple", avant tout dan,s le but de poncter scénaristiquement une série de mort dont le compteur laborieux (toute les victimes expédiées de la première partie) n'autorise aucun pas de côté.

Malgré la pluie de louanges à laquelle j'ai pu assister un peu partout sdur le net concernant la rfécéption critique du film, dubitatif, j'ai quand même pu trouver ici et là quelques mots intéressant se posant, me semble-t-il, les bonnes questions pour expliquer, en partie, ce type de naufrage moderne. Celle d'un critique américain, notamment, sur un site indé que je n'ai pas su retenir et dont j'ai perdu la trace, qui s'interrogeait sur les limite d'un système, celui des logiques de production d'un cinéma indépendant, l'heure de l'industrie du streaming.

Et en effet, comment ne pas se poser la question sur la finalité d'une telle machinerie en prenant Netflix pour exemple, la promesse initiale qui était faite de libérer le cinéma mainstream de son carcan Hollywoodien pour au final, dix ans plus tard, retomber dans les mêmes travers, parfois encore avec des conditions de production encore pire qu'alors, mais surtout en produisant des discours innofensifs et à l'inanité sans pareil. Inanité : Caractère de ce qui est vide, sans contenu réel, ne présentant aucun intérêt pour le cœur ou pour l'esprit.

Hellraiser 2022 n'en veut qu'à votre argent sous forme de temps de cerveau disponible.

Hellraiser 2022, si il veut bien raconter quelqueschose au final, et bien malgré lui, c'est à quel point la forme scintille pour cacher l'absence de fond. A l'image de ces cénobites New Age qui ont troqué leur costumes de cuir pour celui de leur propre peau, le film multiplie les effets de manches, comme autant de configuration pour le cube, pouir finalement revenir à sa forme initiale: celle d'une annonce, d'une promesse de film dont nous n'avions pas besoin et qui, par matracage marketing, a su se rendre incontournable dans nos esprits.

Que recherchent les cénobites 2022 avec tout ces sacrifices, qu'est ce que cela leur apporte. Nous n'en serons rien, pourvu que le spectacle continu et que l'on en redemande encore. Cela devrait suffire à leurt servir d'alibi. Il suffira d'une réplique (we have such sights to show you), sans substance, assénée à la toute fin du film comme un slogan publicitaire pour se rendre compte de la vacuité de la chose.

La chair est triste disait l'autre. Oh mais attendez un peu. On nous parle déjà des suites. Vous n'avez encore rien vu.

lien vers la critique sur ma page youtube: https://www.youtube.com/watch?v=brMkkLOBagA

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le 4 nov. 2022

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