Her est un film qui place principalement sensibilité "masculine" au centre de son propos. À travers le personnage de Théodore, on nous montre un homme vulnérable, complexe et profondément connecté à ses émotions. Il est rare de voir un personnage masculin représenté avec une telle tendresse et une telle fragilité, ce qui rend le film d’autant plus captivant. Théodore est un homme qui cherche désespérément à exprimer ses sentiments et à se connecter aux autres, mais qui se retrouve souvent seul face à ses propres tourments. Sa relation avec Samantha, l’intelligence artificielle, est un moyen pour lui de combler cette solitude émotionnelle, tout en exposant les défis qu'il rencontre dans ses rapports humains.
En surface, Her semble célébrer cette exploration des émotions masculines et questionner notre rapport à la technologie, la manière dont elle affecte notre façon de nous lier aux autres. C’est un film sur notre difficulté croissante à communiquer et à transmettre nos émotions dans un monde numérique. Visuellement, il est magnifique : les lumières et les couleurs créent une atmosphère apaisante, presque méditative. Chaque plan est une douceur visuelle, renforçant cette idée de calme introspectif.
Cependant, malgré cette représentation positive des émotions masculines, le film me laisse avec un malaise profond quant à la manière dont il traite les émotions féminines. Il y a un sous-texte qui, pour moi, reste ancré dans une vision assez stéréotypée et sexiste du rôle des femmes. Samantha, bien qu’intelligence artificielle, est présentée comme une amie parfaite, une secrétaire attentive, et une amante idéale malgré son manque de corps réel. Elle existe essentiellement pour répondre aux besoins émotionnels de Théodore, elle est là pour le comprendre sans vraiment jamais vraiment revendiquer d’émotions conflictuelles, contrairement aux relations humaines, où les émotions et les désirs peuvent s'opposer, elle a toujours la bonne réflexion et façon d'aborder les choses. La perfection émotionnelle qu’elle incarne reflète une attente irréaliste envers les femmes dans la société, où elles doivent être constamment présentes et compréhensives sans exiger quoi que ce soit en retour.
(La seule véritable tension entre eux vient de Théodore, qui finit par remettre en question à la fois ses propres émotions et celles de Samantha, uniquement du fait que celle-ci est une intelligence artificielle)
De même, la relation que Théodore entretient avec son ex-femme met en lumière cette vision réductrice des émotions féminines. Son ex est dépeinte comme étant émotionnellement complexe, voire difficile à comprendre, en contraste avec la simplicité et la disponibilité de Samantha. Cela renforce l’idée que les femmes, dans leurs émotions réelles, sont trop compliquées ou instables, tandis que les relations idéales sont celles qui ne nécessitent pas de réciprocité émotionnelle.
Cette dichotomie se retrouve également dans d’autres aspects du film, comme dans le jeu vidéo que Amy l’amie de Théodore lui montre, on s'aperçoit que celui-ci est un jeu où on joue le rôle d'une femme dont le but est d'être une « mère parfaite » à travers divers action. Cet idéal irréaliste pèse constamment sur les femmes, que ce soit dans les rôles réels ou imaginés.
Peut-être que mon regard est influencé par le fait que je découvre ce film dix ans après sa sortie, à une époque où les mentalités légèrement ont changé. Mais est-ce que Her a toujours voulu nous pousser à cette réflexion, même de manière inconsciente ? Si c’était l’intention, alors le film réussit pleinement à nous provoquer, à susciter cette rage tout en offrant une profonde réflexion sur la place des émotions dans nos vies.