A l' image de l' avenir de notre société, inquiétant et déprimant...
Le cinéma pour quoi faire? Emouvoir? Bousculer? Anticiper? Je ne vais pas prétendre répondre à cette vaste question, mais une chose est sûre, c' est que le film Her fait tout ça à la fois. Pour le meilleur mais aussi pour le pire.
Le scénario part d' une idée simple: imaginez une société proche de la notre avec des systèmes d' exploitations ultra poussés, et doués d' une capacité d' adaptation qui n' aurait rien à envier à l' être humain, au point qu' il serait possible d' éprouver des sentiments à leur égard.
Une idée que certains, comme Ray Kurzweill expert en intelligence artificielle, prévoit d' ici 15 ans. Mais là n' est pas le sujet...
Her se sert donc de cette hypothèse d' une technologie avancée pour raconter une relation amoureuse, et proposer une vision inquiétante et profondément triste à la fois. Déprimante même.
L' histoire suit la vie de Théodore, un littéraire dans l' âme dont le métier est d' écrire des lettres d' amours sur commande. Aussi et surtout citadin dont la situation et le niveau de vie le conforte dans une routine où les problèmes matériels n' existent pas, une vie matérielle où la technologie est à son service, répondant au doigt, à l' oeil et à la voix de chacunes de ses demandes. Une vie facile et douce, comme l' amour, charnelle du moins.
Tchat rose ou rendez-vous arrangé, la seule entrave à la jouissance de notre personnage principal est l' humanité de ses partenaires. De la fétichiste des chats morts, à son rencard exigeant un engagement au premier rendez-vous, en passant par sa future ex-femme, un constat s' impose: Rien ne va plus entre les femmes et Théodore.
C' est là qu' "elle" apparaît. "Her", c' est Samantha, un OS. Le dernier cri des systèmes d' exploitation qui va l' accompagner dans une relation comme il les aime, faciles et sans engagement. Une relation qui passera pourtant par le sentiment amoureux. Réciproque.
Alors pourquoi inquiétant et déprimant.
Car le film met en scène un personnage principal tellement dénaturé par son style de vie qu' il est totalement aveugle sur son rapport avec la technologie. Un rapport où il n' est pas le maître, mais bien le dominé. Un véritable jouet, qui pourtant éprouvera des sentiments forts, dans cette relation dont il n' est pas le seul à s' émerveiller (et donc pas le seul à en être victime). Un esclave affectif qui ne sait pas faire la différence entre progrès technologique et relation humaine. Une sorte d' apologie navrante de l' attrait technologique.
Ce qui est déprimant, c' est que par le réalisme de la situation et la ressemblance du monde imaginé de Her avec une certaine réalité de la vie moderne actuelle, l' unique cause à tout ça reste l' Homme lui même. Accompagné de sa recherche élitiste, "incarné" par Samantha.
Alors peut être que certains s' en tiendront à l' aspect comédie romantique du film, un peu clichée et assez douce aussi. Mais ce film traite d' un monde (le nôtre, l' actuel) qui, à s' enthousiasmer des progrès technologiques dépourvus de qualités humaines, détâche une part de la population de leur véritable nature humaine et contribue à une situation où chacun devient de plus en plus esclave.
Sous un enrobage de comédie romantique, Her reste un film d' anticipation où le comportement humain est montré à la fois sous un angle touchant, et navrant. Avec un fatalisme certain et déprimant, comme le plan final où meurtris par leurs émotions, les deux personnages contemplent un monde à l' image de l' Homme c' est à dire ne se souciant pas de lui.