Une famille, un drame. Ari Aster réalise un premier coup de théâtre dans l’antre du cinéma d’horreur, l’authentique. L’approche est davantage subtile que frontale, on préfère mise sur une ambiance oppressante et lugubre, contrairement à ce qui nourrit le grand public d’aujourd’hui. C’est dans l’enceinte familiale de la famille Graham que se tiendra toute la terreur, guettant chacun de ses occupants. Le surnaturel frappera évidemment tôt ou tard, mais ce qu’il est important de considérer, c’est essentiellement la démarche adoptée par le réalisateur, qui souhaite intimement lier la réalité et la perception d’une force supérieure.


La psychologie est au cœur d’une intrigue qui réclame la patience du spectateur, tout en l’invitant à recoller les pièces qui se détachent au fur et à mesure que le petit poucet scénaristique passe par là. Tout se centralise chez la mère (Toni Colette), dont le stress permanent constitue le premier moteur de frissons. Sans elle, il ne peut y avoir de doutes, de remords ou de sensibilité. Et pourtant, une créature inhumaine, digne des plus grandes du 7ème Art, se cache derrière son ombre, derrière sa folie. Elle porte en elle le désir de protection pour sa famille. L’instinct maternel est d’ailleurs rudement mis à l’épreuve, étant donné les circonstances qui divisent peu à peu les Graham. Entre un père quasi déconnecté de la réalité et des problématiques dont il ne souhaite pas porter la responsabilité, l’adolescent rebelle Peter (Alex Wolff) et la cadette isolée Charlie (Milly Shapiro), dont la présence tétanise quelle que soit la manière, il y a matière à développer chacun d’entre eux vers un dilemme qui surpasse la foi humaine.


Plus puissant encore, le travail de mise en scène séduit par la grâce d’une luminosité qui déstabilise. C’est également grâce aux plans prolongés, discrets, mais toujours à proximité des personnages que l’on se permet de partager les mêmes craintes qu’eux, voir plus encore, ne sachant pas ce qui nous attend derrière la porte des enfers. Ajoutons à cela un tic sonore redondant et crispant, nous rappelant que l’imagination nourrit encore plus le mal du visionnage. La perte de contrôle de la situation familiale est abordée avec sérénité et une logique implacable. Malgré la recherche permanente de se rassurer, en rationalisant les faits, personnes ne peut échapper à une malédiction si elle s’est déjà plantée suffisamment loin.


Entre un hommage certain à l’horreur et ses valeurs les plus profondes, « Hérédité » (Hereditary) ne dément pas son statut et sort du lot. Le malin appelle à l’ambiguïté et l’humain appelle au pardon. On peut tourner en rond, mais dans le fond, ce qui se développe dans cette œuvre, c’est avant tout un conte maléfique, une prouesse qui reflète les faiblesses de chacun. Impitoyable de bout en bout, l’espoir et l’auteur renaissent, là où la plupart des producteurs saturaient en réalisations sans saveurs et calquées les unes sur les autres. Finalement, la cruauté finit par séduire, car nos exigences demeurent impuissantes et sélectives, tout comme le thème de transmission, qui induit inévitablement des étapes de possessions angoissantes à souhait.

Cinememories
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le 27 sept. 2022

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