Hereditary m’a toujours laissé une trace. On entre d’abord dans un quotidien banal, presque trop normal, enveloppé par le deuil d’une grand-mère. Mais progressivement, l’air se teinte de malaise, les tensions invisibles apparaissent dans chaque recoin de la maison familiale. Toni Collette incarne cette mère dévastée, dont le silence et les gestes parlent autant que la douleur. Tout est retenu, contenu… jusqu’à ce que l’équilibre explose.


C’est vraiment dans une scène, terriblement marquante, que tout bascule : un instant si brutal que tu es projeté hors de la banalité du quotidien pour franchir un seuil émotionnel vertigineux. Et là, le film change d’échelle d’un coup : ce qui aurait pu rester intériorisé devient une spirale inexorable. La tension retombe rarement, figée dans une atmosphère stridente, où chaque son, chaque regard devient signifiant.


Ce qui me touche dans Hereditary, c’est sa façon de déconstruire le concept même de guérison. Le deuil n’est pas un passage, mais une transformation sombre, un héritage inévitable qui s’impose aux personnages. Et cette idée qu’on ne se relie pas à l’autre dans la douleur familiale me semble incroyablement puissante. La maison devient un personnage à part entière, dont les poupées miniatures, les corridors et les silences racontent plus que n’importe quel dialogue.


Mais cette ambition ayant une limite : parfois, le film s’appuie trop sur son propre langage symbolique, donnant l’impression d’expliquer ce qu’il pourrait laisser ressentir. Quelques scènes m’ont paru trop calculées, un peu expéditives. J’ai senti un manque de respiration dans certains échanges, comme si le film voulait absolument marquer le spectateur plutôt que le laisser respirer dans l’angoisse qu’il propose.


Quand même… ce film m’a ébranlé. Il fout un sacré coup dans le mental sans jouer la carte du spectacle : pas de horde de jumpscares, juste un crescendo psychologique implacable. On sort avec un sentiment de trouble accroché, une sensation qu’on a touché quelque chose de viscéral, sans pouvoir le nommer vraiment.


Au final, Hereditary est une expérience cinématographique exigeante et profonde. Ce qu’il cherche à faire, il le fait avec brutalité et finesse. Ce n’est pas un film grand public, mais bien une proposition troublante, une mise en scène de l’héritage émotionnel qui s’impose à nous malgré nous. Et même si j’y ai trouvé parfois un dialogue intérieur trop policé, l’ensemble m’a marqué durablement.

Le_Geekosaure
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le 27 juil. 2025

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Le_Geekosaure

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