Marre des found footage classiques ? Voici Horror in the High Desert, qui tord le cou au concept pour proposer un faux documentaire façon "true crime". Les plus suspicieux se demanderont pourquoi la formule n'a jamais été tentée en vingt-cinq ans d'évolution du genre, alors que ce ne sont pas les petits malins qui manquent pour s'essayer à la discipline. Et ils auront raison ; car, magnanime, Horror in the High Desert vient prouver que le format est une chimère. Bien sûr, tous ne partageront pas cet avis, à commencer par sa fan base qu'on qualifiera d'existante, le film ayant tout de même donné naissance à deux suites. Et il est vrai que les fans de genre lui ont réservé un honnête accueil international, y compris en France en s'arrogeant une exclusivité chez un Shadowz qui a prouvé avoir le nez pour dénicher d'intéressantes pépites.
"Intéressant" : j'aurai donc du mal à aller plus loin dans les superlatifs pour décrire la tentative de Dutch Marich, qui me semble clairement à classer dans la famille desdits "petits malins" (ce n'est pas vraiment un compliment) malgré d'étonnants élans de sincérité... malheureusement eux-mêmes largement sous-exploités. Ainsi Horror in the High Desert choisit-il déjà pour personnage principal un jeune homme amateur de randonnées et de trains, que les différents intervenants nous présenteront comme un expert de la survie en milieu hostile, capable de s'enfoncer des semaines en pleine nature, coupé de toute civilisation. Pour le coup, une recherche extérieure au film nous indiquera que son acteur, Eric Mencis, est bel et bien l'aventurier et ferrovipathe qu'il joue dans le film... ce qui ne manque pas de surprendre, tant son incarnation est fausse. Le premier échec du film réside en effet, et paradoxalement compte tenu de son choix d'acteur, dans l'absence totale de crédibilité de son personnage central, dont les actes ne correspondent pas au CV.
Au film de nous présenter Gary, randonneur de l'extrême disparu dans des conditions mystérieuses pendant une excursion dans la pampa du Nevada. Qui est Gary ? D'après les descriptions données par les personnes s'exprimant face caméra (sa sœur, son coloc, une journaliste et un détective), un type courageux, extrêmement intelligent. Impossible donc de s'empêcher de rire quand les extraits vidéo qu'on nous présente de sa vie sont un petit gars tout maigre à la voix nasillarde, qui fait des excursions de plusieurs jours avec pour seul bagage un jean skinny taille XS et une chemise bien repassée. Horror in the High Desert a déclenché chez moi plusieurs fous rires mêlés de consternation quand, enfin, apparaissait le disparu sur des images d'archives après vingt, trente minutes à le faire décrire par son entourage comme un Bear Grylls des canyons.
En passant sur cette étonnante maladresse, on essaye de se raccrocher à la fameuse promesse de true crime, qui déroule d'abord la présentation du personnage, puis les circonstances de sa disparition, enfin s'attardent sur ses supposés derniers moments. Or, problème : Horror in the High Desert est conçu comme le plus mauvais reportage larmoyant de RMC Découverte. Le film nous prend en otage pendant une heure entière avec son format true crime, qui consiste uniquement à faire dire aux quatre personnes de son entourage le plus de banalités possibles avant de prononcer la phrase faisant réellement avancer l'histoire. Ainsi, plutôt que d'accoucher directement sur le fait que, par exemple, la voiture du garçon a été retrouvée, les intervenants vont commencer par de ronflants "ce qui est arrivé va vous surprendre", dits de plein de façons différentes. C'est d'autant plus horripilant que le réalisateur, pour faire monter la tension, ne trouve rien d'autre à faire que de coller une musique stock sur ces interventions, en insérant ici et là ce des images stock elles aussi, l'ensemble se retrouvant totalement dénué de personnalité et d'autant moins aidé par le jeu approximatif des comédiens.
Les fans du genre, après plus d'une heure d'endormissement profond, se sont accordés sur le fait qu'on se réveillait en fin de film, pendant un petit quart d'heure effectivement pas trop mal qui restitue les supposés derniers instants du disparu en mode "vrai" found footage. Mais même là, j'ai du mal à adhérer totalement au concept. D'une part, cette séquence utilise des effets sonores extérieurs pour dramatiser l'action, ce qui est une entorse au genre, certes habituelle, mais toujours aussi agaçante (et, dans le contexte, peu respectueuse en succédant à des interviews de proches tire-larmes). D'autre part, le réalisateur s'est quand même démerdé pour inclure à cette séquence une incohérence absolument majeure, qu'il me semble impossible de ne pas percevoir et qui fait s'écrouler tous les (maigres) efforts du film pour justifier ces quelques minutes de tension :
Notre cher survivaliste, en pleine nuit et après qu'une pancarte nous a expliqué qu'il était équipé d'une caméra à vision nocturne ne produisant aucune lumière, décide d'allumer une lampe-torche... et, lorsque repéré par l'ennemi, choisit non pas de cacher le faisceau de sa torche, mais l'objectif de sa caméra, ce qui fait qu'il est repéré et provoque indirectement sa disparition.
S'agissant d'une des toutes dernières images du film, il m'a été compliqué de ne pas éclater de rire en me disant "tout ça pour ça ?" J'ai une tolérance élevée aux found footages débiles, il m'est arrivé de trouver certaines qualités jusque dans les tréfonds de la saga des Paranormal Activity, mais là... rentre chez toi, Dutch Marich, tu as bu. Quant à vous, si vous voulez absolument vous dégoter un true crime pop corn, allez piocher dans les fonds de tiroir de n'importe quelle chaîne de la TNT, ça vaudra mieux.