En 1892 au Nouveau-Mexique, près de 30 ans après la guerre de sécession, un vétéran et héros de guerre, le Capitaine Joseph Blocker est chargé d’escorter à contre coeur un grand chef Cheyenne, Yellow Hawk sur ses terres tribales, dans le Montana. Avec ses hommes, la famille du chef et Rosalie Quaid, seule rescapée du massacre de sa famille, ils font route vers la Vallée des Ours. Au cours de leur voyage, les militaires et les « peaux-rouges » devront faire front, ensemble, face à leur environnement et aux attaques des Comanches. C’est suivant cette trame que Scott Cooper nous présente un Western d’une rare violence. Empruntant la brutalité d’Inarritu dans The Revenant et l’intensité de Paul Thomas Anderson dans There Will Be Blood, c’est un pan sanglant de l’histoire des États Unis qui se dessine. Outre la représentation de la colonisation cruelle des amérindiens, Cooper y décortique les mécanismes de la violence et la haine qui anime les hommes.
« L’âme américaine est dure, solitaire, stoïque: c’est une tueuse. Elle n’a pas encore été délayée ». Cette phrase de D.H. Lawrence servira de dogme à ce film. Alors que l’Amérique s’apprête à rentrer dans le XXème siècle, les conflits malmènent les populations et leurs cultures. En effet, Yellow Hawk interprété par Wes Studi et le Capitaine Blocker par Christian Bale, qui se sont tous deux rencontrés et affrontés durant de longues années de carnage, sont intimés d'enterrer la hache de guerre. Chacun de leur côté, avec leurs hommes ou leurs familles, ils vivent dans la haine des uns et des autres. Certains se justifient, comme Joseph Blocker qui « n’a fait que son travail », et effectue impartialement les missions données par son gouvernement. De l’autre bord, les tribus indiennes se détestent viscéralement, que ça soit Comanches, Apaches ou Cheyennes, haïr y est une institution. On y retrouve la question des étrangers dans la société américaine, et la violence installée à cause de décisions politiques très colonialistes.
Tout au long de cette marche funèbre, les protagonistes vont peu à peu, laisser leur haine de côté. Ils vont gagner le respect des uns et des autres mais dans le sang de leurs camarades ou de celui des Comanches contre lesquels ils s’écharpent. C’est là qu’est le paradoxe, s’entretuer pour arriver à des valeurs plus humaines. Certaines scènes sont par moment tellement violentes qu’elles paraissent abstraites. Le rapport à la mort peut aussi déranger, ce convoi de cheyennes et soldats, ayant passer leur vie à tuer, ont passé tout autant de temps à creuser des trous pour leurs camarades, qu’à les incinérer.
« Personne n’échappe à la mort. » dira même le vieil amérindien. Alors que Rosamund Pike, la veuve Mme Quaid « envie le côté définitif de la mort ». On s’habitue à tout, sauf à perdre les siens.
C’est ainsi que chacun mène son chemin de croix, car si certains ont la foi, la brutalité de leur vie et leur solitude les mènes à un certain nihilisme. Le capitaine Cooper, magnifié par Christian Bale, laisse même sa bible de côté pour lire La Guerre de Gaule de Jules César, qui prône la violence pour faire ressurgir la violence, et enfin arriver à la Pax Romana. Foi ou pas, la véritable passion n’est pas d’arriver au pardon, mais à l’acceptation de soi.
Sans raccourcis manichéens, Scott Cooper nous livre dans Hostiles, une réalisation contemplative digne de The Thin Red Line (de Terrence Malick). Sublimé par la photographie de son ami Masanobu Takayanagi et par la partition de Max Richter (que l’on a pu retrouver derrière The Leftovers ou encore Taboo). Le Western, genre idéal pour représenter la violence fondatrice de la nation américaine, nous a ici, bel et bien fait rentrer dans le XXème siècle. Du soleil éblouissant du Sud des États-Unis, jusqu’aux montagnes baignées dans le crépuscule du Nord, on s’émeut autant de la mort d’un personnage que de la beauté d’un paysage.

-XIII-
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le 4 avr. 2018

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