Du style certes... Mais le style ne fait pas tout

S’il y a bien une qualité qu’on ne peut – il me semble – pas renier à cet « Hostiles », c’est bien sa forme très léchée.
Ah ça ! C’est magnifique.


Pour qui voulait une belle balade dans l’Ouest sauvage, il/elle risque d’être servi(e).
Mention spéciale pour la photographie qui rend vraiment justice à ces paysages tout en nuances mais aussi et surtout à cette science du mouvement qui donne toujours du relief à l’espace.
Il n’est pas rare qu’un léger traveling à fleur d’herbe ou bien encore qu’un simple mouvement ascensionnel parvienne à rappeler toute la profondeur de ces lieux.
Joli boulot aussi pour tout ce qui relève des défilements différenciés. Je pense notamment à ce magnifique plan en introduction où l’avancement léger de la caméra en direction de la cabane des Quaid est dépassé par l’avancement un peu plus rapide des cavaliers comanches : pour le coup je trouve qu’en termes de dynamisme de cadre, d’annonce de la péripétie et de mise en perspective du lieu et de l’action, c’est juste ultra efficace.
Je pourrais dire la même chose de la musique. Je pourrais dire la même chose du montage qui sait prendre son temps et imposer son rythme. Je pourrais dire la même chose du casting au fond vraiment pertinent…


Mais bon, pourtant pour moi, ce film, globalement, il n’a pas marché.
Et s’il n’a pas marché c’est qu’à mon sens, il y a un aspect de la forme qui n’a pas été à la hauteur, et cet aspect c’est l’écriture. Bah oui : on l’oublie trop souvent, mais l’écriture c’est aussi de la forme. Or, là dans ce film, j’avoue que j’ai du mal à comprendre la logique et la pertinence de l’écriture.
Déjà, j’ai un premier gros problème avec le fil conducteur de l’intrigue. Joe est un soldat qui a perdu beaucoup de compagnons d’armes à cause des Indiens. Il les déteste, mais il se doit d’en escorter un jusqu’à sa réserve pour qu’il y soit libéré. Difficile de ne pas voir le cheminement annoncé. De la haine, Joe va progressivement passer par une phase de remise en question au contact de son prisonnier et à la fin de la destination, il ne sera plus le même homme.
Le schéma est tellement connu que c’était comme si tout le chemin jusqu’à la réserve indienne avait été balisé comme une piste d’aéroport.


Alors après, ce n’est pas forcément un souci de s’aventurer sur un chemin ultra-connu, mais encore faut-il que ce chemin soit agrémenté de quelque-chose qui sache compenser ce manque d’originalité. Seulement, sur ce plan là, « Hostiles » est aux abonnés absents. Le chemin est long. Sans surprise. Il est dilué par une plâtrée d’événements qui ne disent rien de neuf sur la situation et qui viennent rallonger une sauce déjà pas bien épaisse.
Parmi ces moments là, le passage dans le village à mi-chemin est interminable. Voilà qu’en plus cet arrêt est un prétexte pour rajouter un nouvel élément d’intrigue...


(le convoi du prisonnier Wills)


...pour lequel – là aussi – on voit toute une guirlande d’atterrissage s’allumer.
Et bien évidemment ça ne manque pas : plus d’une heure d’intrigue se retrouve ajoutée ; une heure de téléguidage sans surprise et surtout sans véritable évolution.


D’ailleurs, c’est peut-être même sur ce dernier point que j’ai eu le plus de souci avec cet « Hostiles » : l’absence de véritable évolution.
En gros, il ne faut pas longtemps pour voir le revirement s’opérer chez Joe. Même chose pour Quaid. Du coup, l’étalement de cette intrigue sur 2h13 est pour moi incompréhensible. Surtout que la teneur du propos est au fond assez simple et très peu creusée. Comme un signe assez révélateur d’ailleurs, la conclusion du film me semble totalement déconnectée du reste du propos, comme s’il avait fallu broder quelque-chose d’autre à côté du propos principal parce qu’au fond on était un peu à sec.


(Bah oui ! Réfléchissons deux secondes à cette fin pour ceux qui l’ont vue. En guise de conclusion, on montre comment Joe décide finalement d’accepter de retenter une aventure familiale – retenter de s’attacher à des gens – en grimpant finalement dans le train. Seulement voilà, le personnage qui était confronté à cette problématique de reconstruction familiale, ce n’était pas Joe, c’était Quaid ! Or, dans cette fin, Quaid est celle qui est motivée pour refonder une famille ! La scène aurait eu du sens si ça avait été elle qui avait refusé de monter dans le train pour finalement y monter au dernier moment ! Seulement, c’est Joe qu’on fait monter dans le train. Et on ne nous explique même pas pourquoi il refuse d’y monter à la base. A aucun moment on évoque une barrière quelconque l’empêchant de fonder une famille. Au contraire, on nous a montré durant toute la deuxième moitié du film que son amour grandissant pour Quaid était l’élément qui lui a permis de s’éloigner de la haine qu’il avait pour les Indiens. Du coup, qu’il refuse de monter dans le train n’a pas de sens ! Et ce refus n’est même pas justifié par le film. Il est juste acté, simplement pour permettre à cette histoire de finir sur un acte fort - certes bien fichu et émouvant – mais totalement déconnecté et incohérent au regard du reste du film.)


A dire vrai, je trouve que la fin dit beaucoup de choses de ce qu’est en fait ce film.
C’est un film qui ne marche qu’en s’appuyant sur des mécaniques ou des ressentis déjà connus ailleurs. Que ce soit dans ses atmosphères que dans ses personnages, il ne cesse d’exhumer – en en reprenant les codes – des émotions générées dans d'autres films. Ça pourrait ne pas être un problème – après tout, s’il y a de l’émotion c’est chouette – mais à condition que l’ensemble sache être plus cohérent, plus fouillé et surtout moins dilué.
Parce que oui – et ça m’emmerde presque de le dire mais ce fut pourtant malheureusement le cas – « Hostiles » est un film que j’ai trouvé beau et léché mais profondément vide et chiant.


Alors oui, j’aurais aimé lui laisser le bénéfice du doute parce que j’aime bien quand on fait un tel effort de forme, mais je ne peux décemment pas vous recommander un film qui m’a perpétuellement fait lutter contre le sommeil.
Un constat bien triste au fond...

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le 30 mars 2018

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