House of Gucci, ou l’histoire vraie de la chute d’un empire de la mode. Un programme des plus intéressants, notamment lorsqu’il est pris en main par Ridley Scott, toujours aussi prolifique, à peine plus d’un mois après la sortie de son dernier et très bon long métrage, Le Dernier Duel.


Comme dans beaucoup de biopics, l’issue de House of Gucci ne fait aucun doute dès le démarrage du film. Car ce qui nous intéressera ici, c’est de savoir ce qui a pu mener à cette paisible matinée de printemps où un homme va être froidement abattu dans la rue, pour avoir porté un nom au passé glorieux, et au futur obscur. Gucci, cette célèbre marque italienne, née dans une ferme de la campagne toscane avant de conquérir les plus grandes villes du monde et apposer un nom devenu prestigieux sur des produits de luxe. Une enseigne exhibant de nombreuses dorures et paillettes, symbole d’un certain culte de l’apparence, cachant des coulisses noyés dans l’obscurité et l’incertitude.


Chronique d’une mort annoncée, House of Gucci prend pour point de départ la rencontre fortuite entre la fille d’un chef d’entreprise dans les transports, et l’un des héritiers de la famille Gucci. Deux univers très différents qui se retrouvent ici, et la flamme nait dans le regard de cette jeune femme dont le nom Gucci semble résonner comme la promesse d’un accès à un monde qui lui a toujours été refusé. D’abord centré sur l’ambition et l’émancipation, House of Gucci devient progressivement une sorte de drame grotesque, dépeignant un monde où le luxe règne dans une atmosphère mortifère.


De l’oncle qui tente tant bien que mal de garder la main sur cet empire, au père qui vit en seigneur dans sa vaste demeure en ressassant sa gloire passée, en passant par le cousin idéaliste qui se rêve grand styliste et qui est considéré comme un idiot par sa propre famille, c’est un tableau bien peu reluisant d’une famille prestigieuse qui se dresse devant nos yeux. C’est d’ailleurs ce qui a probablement mené les différents acteurs à ne pas hésiter à friser avec le surjeu, pour appuyer le ridicule et le pathétique de la situation globale. Le personnage de Paolo Gucci, incarné par Jared Leto, encore une fois métamorphosé et au physique relativement disgracieux, en est certainement l’illustration la plus frappante et la plus marquante, représentant à lui seul l’écrasement d’un individu par le pouvoir des autres, et la corruption d’un esprit par un environnement néfaste.


Le parti pris par House of Gucci s’avère donc intéressant, avec, comme personnage central et catalyseur Patrizia Reggiani, femme de poigne machiavélique, la seule à devenir une Gucci faute de l’avoir été de naissance, et la seule également à sembler avoir les épaules pour s’imposer dans le milieu. Cependant, le traitement de l’histoire est moins convaincant, proposant par moments des ellipses judicieuses tout en en effectuant d’autres qui semblent nous faire manquer quelque chose d’important. Toute la gestion du rythme, entre le fait de s’attarder sur des éléments parfois un peu superflus, et celui d’avancer très rapidement lors d’épisodes charnière (on pense notamment à la fuite de Maurizio et à son détachement subit vis-à-vis de Patrizia au profit d’une autre femme) fait que le film finit par manquer d’équilibre et que la durée importante de ce dernier (2h40) peine à se justifier. Moins inspiré en termes de mise en scènes que dans d’autres de ses films, à commencer par son Dernier Duel, Ridley Scott propose avec House of Gucci un film qui émet de bonnes idées, porté par un casting à la hauteur, mais qui manque finalement d’impact et s’avère, pour rester dans le jargon de la mode et de la haute couture, quelque peu décousu.


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JKDZ29
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le 29 nov. 2021

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