Il était une fois en Amérique, est un film particulier. Le voir me semblait une entreprise d'autant plus difficile qu'on a rarement 4 heures devant soi pour le voir d'une traite. Par chance, il ressortit au cinéma (dans une version dite longue, que j'aurai volontiers baptisé « version encore plus longue »), et visionner ce film ne fut plus une chimère.


Dès qu'on s'installe devant son écran (de cinéma si l'on peut), et qu'on regarde une intro composée de plans n'ayant en apparence rien à voir les uns avec les autres, constamment entrecoupée de coups d'un téléphone invisible, et plongeant le spectateur dans une ambiance qui n'appartient qu'au réalisateur d'Il était une fois dans l'Ouest, on se dit que le film qu'on va visionner n'est pas un film comme les autres.


De fait, voir dans la dernière œuvre de Sergio Leone un simple film de gangsters qui se tirent dessus, serait une monumentale erreur ; d'ailleurs, il y a peu de scènes d'action dans ce film, on se limite à quelque fusillades (très peu, pour un film de plus de quatre heures) et une sorte de duel final, où Leone troque les revolvers pour la rhétorique. Contrairement à d'autres œuvres du même genre, qui préfèrent une approche dite « réaliste » du milieu criminel, on ne va pas tellement s'intéresser au gangstérisme, ce qui explique que la prohibition, certes évoquée, n'occupe qu'une place mineure dans l'intrigue (tout au plus sert-elle de cadre au récit). Leone effectue plutôt une peinture de personnages, et plus spécifiquement, de Noodles Aaronson, brillamment interprété par un Robert de Niro tutoyant les anges.


Or, et c'est en cela que le film devient une sorte d'OVNI du genre, c'est qu'il baigne en permanence dans une atmosphère quelque peu irréelle. Non que l'univers manque de crédibilité, les nombreux décors, costumes et accessoires sont là pour prouver le contraire.


Mais les nombreux flash-backs, certaines scènes et surtout quelque indices laissés en fin de film sont là pour interroger le spectateur sur la réalité du spectacle auquel il vient d'assister. Ce qui permet une sorte d'exploration de la psyché d'un homme, ainsi qu'une réflexion sur le pouvoir, la manipulation, le remord et la corruption.


Pourtant, ce film laisse un goût d'inachevé en bouche. Il est très bon, parfaitement rythmé, ce qui fait que les 4h11 du film passent comme deux heures de Jurassic Park, mais quelque chose ne convient pas : le film ne passionne pas. Il se regarde sans aucun ennui, mais avec un léger défaut de cette avidité d'en voir plus, si ce n'est celle de voir quelque chose de plus intéressant.


Surtout, je trouve que le film en fait trop en ce qui concerne la violence. La bande de Noodles et son ami Max se comporte en vrais troupe de salopards, tuant et pillant sans vergogne (et je ne parlerai pas des deux insoutenables scènes de viol), bien que cela donne parfois lieu à des scènes très drôles à voir (notamment celle de la maternité). Mais cette sorte de complaisance (à croire que Sergio Leone voulait nous dégoûter), provoque une sorte d'antipathie envers les personnage principaux, à tel point qu'on en serait presque heureux, parfois, de les voir dans la merde.


Mais ces défauts ne sauraient atténuer la qualité globale du film : toute la partie sur l'enfance est très belle (bien qu'entachée de cette violence parfois gratuite, très dispensable), réaliste, drôle et surtout, contenant quelque très beaux moments de poésie, comme la scène où la jeune Déborah lit le Cantique des Cantiques à son « bien-aimé ». Probablement la plus belle scène du film.


Le casting ? Du sans-faute. Même les enfants s'en sortent à la perfection. Et Jennifer Connelly montre à quel point elle était déjà une actrice talentueuse.


Au final, un film de gangsters peut-être surestimé, mais culte dans tous les cas. Il ne m'a pas plu autant qu'il a charmé d'autres cinéphiles, mais il mérite en tous cas, son statut de classique du genre. Le meilleur film de Sergio Leone ? Je ne crois pas, mais un film à voir, voilà qui est certain.


PS: La BO? C'est du Ennio Morricone. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.

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8

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