Les quinze premières minutes du film exposent avec sarcasme les incohérences de la vie moderne et comment le "spectacle" imbibe la vie du prolétaire, le figeant comme pur produit du capitalisme. Il y a même un début de critique de la sur division des tâches (division, spécialisation du travail), et là dessus, le point de vue de Bookchin permet d'aller plus en profondeur.
Cependant cette critique du spectacle me paraît un peu vieillie ; le qualifier de "n'importe quoi" toutes les deux secondes n'explique pas bien en quoi il se diffuse dans la société, ni en quoi il cristallise les gens dans une sorte de béatitude. Aujourd'hui, on dirait que les gens sont abêtis par les jeux vidéos, et avant, on détournait le propos sur les livres de science fiction...quel divertissement saurait trouver grâce aux yeux de Debord ?
Si dans certains de ses aspects, le spectacle peut avoir ce côté dangereux et contrôlant, il peut aussi inspirer des personnes à changer leurs conditions de vie. Guy Debord explique qu'une "bonne image" n'aura jamais d'impact sur les conditions de vie des prolétaires, mais ça me semble très réducteur. Certaines productions ont eu un impact positif, parfois même antisystème sur la vie de personnes, et ne se contentent pas systématiquement de "ramollir" une "révolution" en divertissant le spectateur, en le faisant s'évader continuellement. Même si elles se comptent sur les doigts d'une main, elles ne sont pas à négliger. Le spectacle peut aussi permettre une émancipation, si pris dans le bon sens.
D'ailleurs, le cinéma, le divertissement, ont une place importante dans la formation des individus (esprit critique, jeu, réflexion). Les situationnistes ayant dans leur début pratiqué les "dérives" et la "psychogéographie", il était tentant de penser que le principe même d'évasion ouvrait de nouvelles perspectives, et avait été compris...oui, même si cela implique de rester avachi de tant en temps devant un écran de cinéma. En cela, j'aurais préféré la théorisation d'un "spectacle" qui fait bouger les lignes, au lieu d'une simple critique de celui-ci. On ne comprend pas où il veut aller : Debord voudrait-il anéantir toute production cinématographique ? Quelles sont ses idées sous-jacentes ? Pour ceux qui persisteront à les chercher durant le film, on nous crache avec mépris :
"A ceux qui ne comprennent pas mes intentions, je me désole de leur inculture". Voilà que, toujours sans expliquer, il lâche cette phrase avec des airs bien snobinards. Je ne suis pas fan de ce mépris de classe ; défendant les prolétaires, il devrait comprendre que la culture n'est justement pas accessible à qui veut. Le propos n'est alors que postural, bourgeois...c'est vraiment dommage, il y a un manque de psychologie sociale dans son analyse.
Derechef, les phrases sont trop longues, il est très dense et compliqué à suivre, abordant pourtant un sujet classique dans les luttes de gauche (l'aliénation)…rien de nouveau sous le soleil. Je ne le recommanderais pas en 1ère ligne à quelqu'un qui cherche à se former en politique. Pour un film qui critique la culture populaire & les mass-média, il n'utilise pas un registre très accessible. Pourtant, il y a de bonnes idées et les thématiques restent d'actualité.
En espérant que certains de ses livres iront au delà du simple constat. 6.5/10