En ces temps de disette cinématographique, l'année 2015 (surtout son versant US) démarre plutôt bien. Les raisons d'adorer Inherent Vice sont tellement nombreuses que je suis désolé de la froideur avec laquelle le film est reçu.
Je n'ai pas vu un film aussi beau et puissant formellement depuis de longs mois. PTA s'est emparé de l'univers de Thomas Pynchon avec une aisance qui force le respect (quand on connait l'oeuvre de l'écrivain américain, réputée inadaptable). Il déploie des équivalences formelles à la narration pynchonienne en forme de marabout-de-ficelle sans pour autant exclure le spectateur (on ne comprend pas tous les ressorts de l'intrigue sans jamais que le film ne s'empêtre dans cette histoire invraisemblable). La résolution de l'enquête se fait par la collecte de témoignages d'une galerie hétéroclite de personnages qui seront autant d'étapes du dénouement pour le détective très décontracté et envapé incarné par Joaquin Phoenix, à la lisière de l'hallucination ou de la paranoïa. Doc Sportello se contente d'aller sur les lieux au hasard de ces rencontres et d'échafauder des hypothèses improbables...
Autre raison d'adorer le film, la véritable performance de Joaquin Phoenix dont la technique impressionne, tout en mimiques et rictus, en gestes hagards dans une pantomime qui invente un nouveau burlesque et témoigne de l'excellence de son jeu.
Le film est aussi une comédie vraiment hilarante (qui rappelle The Big Lebowski mais en plus incongru) qui s'appuie sur cette galerie de personnages baroques et déjantés et un sens du timing très sûr de ces effets (qui rappelle Punch Drunk Love). La mise en scène et le style de PTA épousent avec un naturel confondant (on ne sent pas la technique qui pesait sur la réussite de The Master par ex) les situations les plus délirantes et produisent une jouissance chez le spectateur rarement éprouvée ces derniers temps (la longue scène avec Martin Short est particulièrement époustouflante).
Enfin, cette métaphore du rêve soixante-huitard qui a finalement échoué à prolonger le summer of love, est un film d'une grande mélancolie, travaillé par les regrets d'une époque révolue et pourtant pas si lointaine. Il atteint alors à certains moments des sommets d'émotion et de gravité (le flash back sur une journée parfaite entre Doc et Shasta - incarnée par la magnétique Katherine Waterston -).
Le grand PTA de Magnolia est de retour.

Créée

le 7 mars 2015

Critique lue 566 fois

6 j'aime

Critique lue 566 fois

6

D'autres avis sur Inherent Vice

Inherent Vice
Velvetman
9

Le désenchantement de l'utopie

A travers le regard ahuri d’un détective privé qui ne cesse de se triturer l’esprit par le spliff, Paul Thomas Anderson singe magnifiquement "Vice Caché" de Thomas Pynchon. Littéral et très bavard,...

le 5 mars 2015

135 j'aime

16

Inherent Vice
Sergent_Pepper
7

Vers l’asile, détective privé.

Pour pénétrer le continent Inherent Vice, un seul mot d’ordre : lâcher prise. Devise singulière si l’on songe à la pétrification qui guettait Paul Thomas Anderson au fil de son précédent et...

le 5 mars 2015

126 j'aime

25

Inherent Vice
JimBo_Lebowski
6

Punch-Drug Love

Ce film était sans doute une de mes plus grosses attentes de 2015, Paul Thomas Anderson restait sur un semi échec avec un "The Master" décevant et j’espérais de mille vœux qu’il retrouve enfin un...

le 4 mars 2015

100 j'aime

Du même critique

Lost River
Olivier_Paturau
3

Lost Highway

On ne reprochera pas à Ryan Gosling de ne pas faire preuve d'imagination. Il choisit de traiter du déclin de l'ancienne capitale de l'automobile, Detroit, vidée par la crise de ses habitants (qui...

le 9 avr. 2015

53 j'aime

5

A Star Is Born
Olivier_Paturau
4

Gueule de bois

Passé une première demi-heure enthousiasmante, A Star is Born peine à convaincre et finit paralysé par des défauts d'écriture majeurs. Alors qu'il étire son récit sur deux heures et quart, le film...

le 3 oct. 2018

52 j'aime

8

120 battements par minute
Olivier_Paturau
8

L'armée des morts

Robin Campillo confirme avec son 3eme film qu'il est un des cinéastes de sa génération les plus passionnants. Il maîtrise aussi bien l'art de l'écriture (pas facile de mêler didactisme dans la...

le 24 juil. 2023

44 j'aime

1