Innocents (Titre original : The Dreamers) est un drame franco-britannico-italien de Bernardo Bertolucci, sorti le 10 décembre 2003 et présenté en première mondiale à la Mostra de Venise en 2003 puis au Festival de Sundance.


Résumé


Le film se déroule à Paris, au moment des évènements de mai 68. Deux étudiants, Isabelle (Eva Green) et son frère jumeau Théo (Louis Garrel), amateurs de cinéma, fréquentent assidument la Cinémathèque française. Lors d’une manifestation de protestation contre le renvoi de son directeur Henri Langlois, ils rencontrent Matthew (Michael Pitt) avec qui ils sympathisent. Matthew, jeune étudiant américain timide, est immédiatement séduit par le côté libre et fantasque de Théo et d’Isabelle. Le duo l'invite, le soir même, à dîner chez eux. La mère des jumeaux (Anna Chancellor) et le père (Robin Renucci), des bourgeois bobos, habitués aux frasques de leurs enfants, accueillent sans discuter cet étranger et ne voient pas à mal à ce que Matthew passe la nuit chez eux. Partant le lendemain matin en vacances, ils laissent la maison à leurs enfants.


Pendant la nuit, en cherchant les toilettes, Matthew ouvre une porte et découvre Théo et Isabelle nus et enlacés. Restés seuls, les trois « innocents » se livrent à des jeux sexuels sous prétexte de répondre à des questions relatives au cinéma. A chaque question sans réponse, il y aura un gage. Ainsi, lorsque Théo ne parvient pas à répondre à la question d’Isabelle sur le film Blonde Venus de Joseph von Sternberg avec Marlène Dietrich (1932), elle l’oblige à se masturber devant eux. A la question suivante, c’est au tour d’Isabelle et de Matthew de ne pas trouver la réponse à la question de Théo (Scarface de Howard Hawks, 1932). En gage, Théo oblige sa sœur de faire l’amour avec le jeune Américain, qui ignore qu’Isabelle est vierge. S’ensuit une scène très crue où Matthew déflore Isabelle sur le sol de la cuisine tandis que Théo, comme s’il n’était pas concerné, fait une omelette. Par la suite, la relation amoureuse entre Matthew et Isabelle s’installe jusqu’à ce que Théo s’enferme dans sa chambre avec une de ses conquêtes, ce qui rend Isabelle folle de jalousie.


Les trois jeunes gens passent ensuite ensemble la nuit sous une tente improvisée dans l’une des pièces de la maison. C’est là que les parents, rentrés à l'improviste, les découvrent, totalement nus et emmêlés. Bien que choqués, ils gardent le silence et repartent discrètement en laissant un chèque pour leur progéniture. Isabelle, à son réveil réalise que leurs parents les ont découverts ainsi et, pendant que les deux garçons sont encore endormis, tente de les asphyxier en ouvrant le gaz. Une fenêtre frappée par un pavé venant de la manifestation qui passe dans la rue les réveille avant qu’il ne soit trop tard et, à la question de Théo encore ensommeillé, Isabelle répond que l’odeur dans la pièce provient des gaz lacrymogènes. Le trio descend alors dans la rue pour se mêler à la manifestation passant sous leurs fenêtres. Pendant que Théo et Isabelle se mêlent aux manifestants et affrontent la police, Matthew part à contre-courant et s'en va.


Mon opinion


Je ne connaissais pas ce film avant sa diffusion sur Arte. De Bernardo Bertolucci j’avais vu en son temps 1900 (Novecento, 1975*), une fresque historique trois heures qui suit deux personnages que tout oppose entre 1901 et fin de la 2nde Guerre mondiale en Emilie-Romagne (région de Bologne). Je me souvenais d’une saga assez violente mais intéressante. J’avais aussi vu Le dernier empereur (1987) vaste fresque sur vie et la déchéance de Pu-Yi, le dernier empereur de Chine, et de Little Buddha (1993) qui m’avaient laissé un bon souvenir. Je savais qu’il était aussi le réalisateur du Dernier tango à Paris – que je n’ai pas vu et n'ai jamais eu envie de voir. Le film avait été au centre d’un énorme scandale lorsqu’il était sorti en 1972 en raison d’une scène de viol entre Marlon Brando et Maria Schneider. Je ne me rappelais pas qu’il avait aussi réalisé Un thé au Sahara (1990) d’après le livre de Paul Bowles que j’ai dû voir mais dont je n’ai aucun souvenir. Pour en revenir à Innocents (ou, selon le titre anglais The Dreamers, guère plus adapté), j‘ai trouvé ces « innocents-là » bien pervers. Les relations incestueuses au cinéma ou dans la littérature ne sont pas nouvelles. Le site Cinétrafic a recensé pas moins de 47 films qui ont traité du sujet, parmi lesquels, des films de grands réalisateurs, comme Le souffle au cœur de Louis Malle, 1971 (qui, lui aussi fit scandale à sa sortie). Mais, dans Innocents, Bertolucci ajoute la perversité de ses protagonistes, dont on ne sait qui, de Théo ou d’Isabelle, est le plus pernicieux des deux. La scène où Isabelle tambourine à la porte où son frère fait l’amour à une fille en hurlant sa jalousie, puis tente d’asphyxier tout le monde au gaz, montre combien elle est déséquilibrée (on pense à Béatrice Dalle dans 37°2 le matin). Le seul « innocent » dans l’affaire est le pauvre Matthew, dont on comprend qu’il est aussi amoureux de Théo que d’Isabelle. C’est surtout cette perversité qui m’a gêné ainsi que la scène de masturbation et la violence de celle où Matthew déflore Isabelle sous les yeux de Théo. Heureusement, les trois acteurs ont une plastique parfaite et c’est peut-être là que réside l’innocence. Quant à la soi-disant cinéphilie des personnages, ou des évènements de mai 68, on a la désagréable impression que le réalisateur s’en est servi de faire-valoir pour donner à un scénario, par ailleurs indigent, une dimension sans laquelle le film ne serait rien d’autre qu’un vulgaire porno (ce que, d'ailleurs, laisse à penser l'affiche particulièrement raccoleuse).


(* A ne pas confondre avec le magnifique film Novecento ou La légende du pianiste sur l'océan de Giuseppe Tornatore, d'après Novecento pianiste d'Alessandro Baricco).

Roland Comte

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