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Fresnadillo signe là un premier long métrage intense, ambitieux, imparfait. A voir sur Arte Cinéma.

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Il arrive que le cinéma défie la pesanteur du hasard; Intacto est de ceux-là : un tourbillon métaphysique, un murmure de fable, une épreuve suspendue où la chance devient tyran. Dès les premières scènes, Fresnadillo propose non une intrigue mais un pacte exigeant : accepter que la vie ne soit pas un jeu, sauf lorsqu’elle l’est.


Dans sa thèse, le film affirme que la chance n’est pas un don gratuit : elle est dirigée, transférée, extorquée — elle est monnaie d’échange, elle est douleur. Federico vole la chance comme d’autres volent les vies ; Samuel la possède parce qu’il a survécu — non malgré la pire des horreurs, mais parce qu’il en est revenu armé d’une culpabilité comme d’un bouclier. Tomás, rescapé d’un crash, n’est pas seulement un héros de survie mais un instrument destiné à réactiver une chaîne, un destin que Federico veut briser.


Variation : l’univers du film est éclaté, dispersé — Madrid, Terres Canaries, forêts aveugles, casinos isolés : paysage géographique, paysage moral. On y traverse la lumière et l’ombre, mais toujours en bordure : les jeux sont des labyrinthes de hasard, les épreuves des chorégraphies entre vie et mort; Sara, la policière meurtrie, incarne l’obsession de la vérité et le désir de mesurer l’inexplicable.


Le style de Fresnadillo ne cède jamais à la facilité : la mise en scène est retenue, nerveuse, parfois silencieuse comme après un choc, souvent nerveuse comme un souffle stoppé. On observe caméra au sol, plans larges sur la lave, gros plans sur les corps, sur les mains — ces mains qui touchent, qui volent, qui tremblent. Il y a du conte cruel, du conte moral — non pour enseigner, mais pour troubler, pour faire sentir le poids du privilège de la chance, pour faire entendre dans le murmure d’un jeu clandestin la froide mesure du destin.


Antithèse : pourtant, si l’idée est vertigineuse et les séquences de jeu inventives, Intacto est parfois son propre bourreau. Trop de symboles empilés, trop d’épreuves suspendues, trop de contrastes moraux affirmés sans toujours les négocier : simplicité de la fable contre complexité humaine ; violence de l’idée contre pâleur de certaines relations — Tomás reste une énigme de chair, Federico un mélodrame de vengeance, Sara un fantôme de culpabilité. Ces tensions non résolues sont autant de vertus que de limites : le film nous demande de plonger dans le non-dit, mais parfois aussi d’être largués.


Conclusion : Intacto n’est pas un film qu’on regarde pour respirer léger : c’est un film qui pèse, qui oblige. Il ne vend pas des réponses, il propose une vertigineuse oscillation entre le réel et le possible, entre la survie et le jeu, entre le privilège et la malchance. Fresnadillo signe là un premier long métrage intense, ambitieux, imparfait — mais nécessaire. C’est là l’essentiel : un film qui laisse intact le spectateur, même blessé par ce qu’il a vu.


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Le-General
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