Oses devenir qui tu es

Jane Austen a gâché ma vie condense deux quêtes si essentielles et intemporelles: celle de se réaliser en amour et d’aboutir à un projet de vie satisfaisant et rempli de sens. Agathe, l’anti-héroïne du film, est archétype d’hommes ou de femmes actuelles refusant les liaisons sans lendemain, souvent uberisées ( contrairement à son meilleur ami et collègue libraire de l’emblématique Shakespeare et compagnie) et le drame d’avoir perdu ses parents dans un accident de voiture l’empêche aussi de se projeter et d’avancer. Quand son collègue l’inscrit contre son gré à une résidence d’artistes en Angleterre, sa remise en question et ses découvertes sur son rapport à la séduction sont déterminantes. La comédie romantique décalée d’Anne Pieri est à la fois sensible, drôle et touchante et vous permet d’établir que la vie ne doit pas trop être prise au sérieux pour que des moments de grâce à saisir puissent prendre leur toute leur place. Avec Agathe, la réalisatrice justifie le doute, le décalage et ces errances passagères où elle se perd ( refusant de lâcher prise totalement) pour aller jusqu’à l’évidence de cette relation avec son amoureux anglais. De plus, c’est en acceptant aussi sa légitimité d’écrivaine qu’elle parvient à écrire ce livre qu’elle avait en elle depuis longtemps. Deux cheminements intérieurs trouvant finalement leurs réponses dans cet « oses devenir qui tu es » cher à Nietzche. Avec ce film, vous devez aussi accepter les ruptures de ton ( où Agathe tâtonne, se cherche avant l’illumination salutaire), la présence de la langue anglaise ( aussi utilisée dans des œuvres que dans des productions littéraires ou des conversations quotidiennes) et une certaine idée qu’un voyage intérieur se joue presque totalement dans l’unité de lieu très réduite d’une maison très british de trois cents ans.Pour finir, reconnaissons aussi la teneur ironique du titre du film à l’image de la grande part d’enfance et de pieds de nez très persistantes chez Agathe, lui permettant de surnager quand la mélancolie et le doute l’assaillent.Première bonne surprise française cinématographique, Jane Austen a gâché ma vie devrait marquer les esprits et trouver un public.