Friday the 13th Part VI : Jason Lives (Tom McLoughlin, U.S.A, 1986)


_ » Mais comment on va faire revenir Jason ? »


_" Et si, Tommy allait dans les bois, de nuit, avec un copain, pendant une tempête, afin de déterrer Jason pour lui foutre le feu, et s’assurer qu’il est bien mort. Mais une fois déterré, Tommy, pris d’un coup de sang, plante une pique en métal dans le cadavre, et là un éclair la frappe. Ce qui ressuscite Jason. »


_" Hé ouais, moi j’aime bien ça. »


Voilà, il y a un moment, dans la chaîne de commande, une personne a validé ce postulat. Une scène d’introduction over the top, qui ne fait sens qu’avec le reste du métrage, qui s’avère complètement, passez-moi l’expression, barrée ! Cette entrée en matière des plus bad ass, assume enfin la nature surnaturelle de la franchise, et définie officiellement Jason en mort-vivant (c’est d’ailleurs le titre français : « Jason le Mort-Vivant »)


Donc ça y’est, c’est un zombie, ce qui transgresse l’un des codes du slasher, auxquels la saga est scrupuleusement attachée depuis 1980. Cette suite se présente comme une évolution, qui se trouve une identité propre en plein milieu de la franchise. Nouveau film, nouveau délire, avec son générique parodiant celui des James Bond, ça annonce la couleur : ce sera du trip intégral, ou ce ne sera point. Point.


En prenant complètement à contre-pied le précédent volet, qui se voulait plus « sombre » et plus « mature » avec son aspect psychologique, « Jason Lives » emprunte la tangente opposée. Il ne saisit même pas la peine de prendre en compte les événements de « ’A New Beginning », reprenant directement après « The Final Chapter ». Cette démarche implique que le cinquième n’est pas vraiment canon, un métrage en quelque sorte renégat (et contribue à le rendre encore plus intéressant).


Sur un ton léger, frisant parfois le burlesque, « Jason Lives » est le premier, et unique, « Friday the 13th » à mettre en scène le camp de Crystal Lake avec une colonie d’enfants. Si c’est bien là un cliché tenace de la saga, il est pourtant nécessaire d’attendre ce sixième volet avant d’en voir. Habituellement, les moniteurs se font tuer alors qu’ils préparent le camp.


C’est également le premier volet de la franchise à ne montrer aucune nudité. S’il y a bien un couple d’adultes qui copule dans la forêt de nuit (rarement une bonne idée dans ce genre de film), l’absence de nudité révèle deux choses. En premier lieu, le métrage de Tom McLoughlin essaye de briser les codes de la franchise, afin de la relancer après un cinquième épisode un peu nul.


Et de deux, en 1986 Ronald Reagan profite de son second mandat, et ce qui est montré à l’écran ne bénéficie plus de la même liberté qu’au début de la décennie. La société puritaine s’est radicalisée. Ce volet s’avère d’ailleurs le premier de la saga à ne pas atteindre les 20 millions de $ de recette, échouant à se placer à la tête du box-office. Pour exemple des temps qui changent, John Shepherd, qui interprétait Tommy dans le précédent film, a refusé de reprendre le rôle, car entre-temps (soit quelques mois) il était devenu un born again Christian. Face à une société de plus en plus conservatrice, au niveau politique, comme religieux, la place du slasher s’avère forcément remise en question.


« Jason Lives » pose un regard amusé sur son époque, à l’instar de cette séquence où une victime tend des billets à Jason, dans l’espoir de l’acheter. Mais dans cette Amérique où le dollar est roi, Jason Voorhees fait office d’incorruptible. Il tue par propos, et ne suit inlassablement que cette voie. La thune pour lui, ce n’est rien.


Le film présente le portrait d’Américains de base, qui aiment les armes et la guerre. Ces véritables clichés ambulants incarnent une facette de la nation complètement à l’ouest, à l’instar de ce vieux fossoyeur alcoolique, qui ne cesse de pester contre sa situation sociale. Cette frustration, il la noie bien entendu dans l’alcool. C’est un être faible et geignard, un oublié de l’American Dream prôné par Reagan. Cette anomalie, Jason l’égorge, et avec sa propre flasque, sil vous plaît.


Même les enfants du camp possèdent un regard complètement désabusé sur la situation. Alors que Jason rôde dans leur bungalow, les gamins sont cachés sous leurs lits. L’un d’eux demande à son voisin, d’une manière totalement détachée, tandis que la mort se présente à même leur dortoir : « Et sinon, tu veux faire quoi toi quand tu seras grand ? ». Cette attitude, elle tranche (hu hu hu) complètement avec le style qui met Jason en scène.


Terrifiant et iconique à mort, il semble plus inarrêtable que jamais, surtout que sa nature de mort-vivant apparaît désormais officielle. Contrairement aux précédents opus, son essence de boogey man à la machette est pleinement exploitée. En le livrant à une chasse contre une galerie de personnages bien écrits, et diversifiés, le film évite complètement le piège de la redite, avec un ton qui lui est propre.


L’un des protagonistes, le sheriff Garris, se révèle absolument fantastique, incarné par un acteur qui ne l’est pas moins, dans le rôle d’une carrière qu’il tient à la perfection. Avec son mélange de flics rigide, pour qui tout ce qui compte est l’ordre, et en même temps dans le fond il a un cœur d’or gros comme ça. Il s’inquiète de voir la sérénité de la petite ville bousculée. Tout ce qui lui importe est de laisser un monde meilleur pour sa fille, qu’il élève seul depuis la mort de sa femme.


Le sheriff Garris n’est que la pièce d’une mécanique parfaitement huilée, où tous les rouages s’imbriquent formidablement. Il est bien aidé par des séquences clichées, mais tellement assumées en ce sens que l’ensemble en devient des plus jouissifs. Le film de Tom McLoughlin passe son temps à s’amuser avec l’univers ultra codifié du slasher, et encore plus en ce qui concerne la saga “Friday the 13th”. Avec respect, mais irrévérence, il propose ainsi une œuvre, qui en 1986, baigne déjà dans une sorte de réflexion méta sur le genre et son succès.


Pour exemple, l’une des jeunes monitrices joue à un jeu de cartes, basé sur le mythe de Jason Voorhes. Cela veut dire que dans la diégèse même du film, le personnage est lui aussi une légende, comme pour nous, pauvres spectateurices. Il en va de même pour la musique, puisque des personnages écoutent la chanson du générique de fin. Comme si la saga “Friday the 13th” existait également dans leur réalité.


Un parti pris qui offre une lecture méta d’une œuvre consciente de sa nature d’objet pop culturel, et de l’influence de son tueur star sur le genre du slasher. Pour exemple, une séquence montre des jeunes tués avec en fond sonore le “Teenage Frankenstein” d’Alice Cooper (qui signe aussi le générique de fin) qui résonne. Cette facette fun de l’œuvre n’a pas de prix.


En 1986, le slashers est dans une phase de réinvention, qui culmine en 1987 avec ‘’A Nightmare on Elm Street 3 : Dream Warriors’’. Et “Jason Lives” se place complètement dans la même conception. C’est un sixième opus, le tour de la franchise a été fait, depuis le premier même… Pourtant les films continuent de sortir, sous le jour d’une exploitation outrancière. Ainsi, Tom McLoughlin réfléchit au concept même de Slasher, et la place de son métrage dans les cadres de ce genre.


Avec sa nuance méta, ce volet apparaît légèrement en avance sur son temps. Il semble avoir compris le genre et ses spécificités, et lui rend le plus bel hommage qu’il est possible en réalisant un vrai slasher, solide et stéréotypé. Avec la convocation d’absolument tous les codes inhérents et inévitables. Et le film joue à fond avec ça, ce qui en constitue un slasher de référence.


Par son absence de sérieux, son humour drôle, et ses vraies séquences d’horreurs, l’équilibre est parfaitement trouvé, avec un ensemble jouissif au possible. Repoussant même les limites du genre jusqu’au point de rupture, là où de nombreuses productions virent au désastre. Mais la cohérence reste solide, et la partition parfaitement exécutée.


À l’instar de Megan, la fille du Sherrif Garris, qui fait office de scream queen, elle ne tombe pas dans le cliché de l’ingénue trouillarde. Au contraire même, elle n’hésite pas à se lancer dans l’aventure, allant sans cesse de l’avant, réalisant du rentre-dedans envers Tommy. Elle n’est en rien la prude vierge, mais à l’inverse, elle incarne la femme qui sait ce qu’elle fait et ce qu’elle veut. Le rôle s’avère ainsi placé au même niveau que les rôles masculins. Pour 1986, cette œuvre se présente comme particulièrement respectueuse de la parité.


Avec sa nature plus fantomatique que jamais, Jason Voorhes entre parfaitement dans les pas d’un Michael Myers, et son absence totale de jeu présente l’entité en icône déstructurée au possible. Seule est conservée son essence la plus pure : c’est une bête à tuer. Fin.


Il est à noter que Jason épargne les enfants, ces représentants de la pureté et de l’innocence qui lui ont été volés en 1957. Il est mort par l’incompétence de moniteurs plus occupés à batifoler, et la violence de petits branleurs qui le harcelaient. Jason ne tue que ceux qui ont fauté, ou ceux qui incarnent l’establishment, comme cette police à côté de la plaque, incapable de mettre fin aux meurtres.


Ce sont donc les jeunes héros courageux et vertueux qui parviennent à outrepasser leurs peurs, par une pureté de cœur qui leur permet de venir à bout de la menace. Il se retrouve ici une référence à la culture protestante, et cette idée très américaine de la transcendance de soi. Cela est à appréhender comme un rite initiatique. Là aussi, c’est une convention poussée à son paroxysme, au point que les héros sont ceux qui ne se sont pas résignés à la fatalité.


En vrai film d’horreur, avec tout ce qu’il faut, l’équilibre entre humour et terreur est parfait. Il n’abuse jamais des jump scare, en se concentrant sur l’essentiel de ce qui est demandé à un “Friday the 13th”. Le métrage semble avoir tout compris, au point que même Jason s’amuse à faire des blagues. Comme cacher la tête d’une victime dans la voiture de police, ou plier le sheriff en deux. Ce tour efficace, il aime à le réaliser régulièrement d’ailleurs.


Un pic est clairement atteint avec “Jason Lives”, qui culmine l’année suivante avec “’Dream Warriors”, signant également le début de la dégringolade du genre au box-office. Ce que véhicule ce sixième film, c’est aussi que le genre accède à son apogée, et que s’il n’évolue pas vite, il va s’éteindre. Et c’est ce qui arrive, puisque les producteurs demeurent souvent un peu aveugles, car ce sont généralement des gens un peu cons. Disons-le.


Body County : 18 morts + Jason laissés pour morts (Noyé, enchaîné à une pierre au fond de Crystal Lake, le crâne explosé par une hélice de bateau, par Tommy et Megan. Aucune chance qu’il puisse revenir…)

C’est un nouveau record, avec 9 morts en une demi-heure, et cette fois c’est le vrai Jason qui les a butés. Avec 19 morts sur 28 noms aux génériques, le ratio reste correct.


To be too good to be equal again...


-Stork._

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le 5 sept. 2023

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