Faire ce film à 25 ans WOAAAAAAA[...]AAAAAA.


Enorme morceau de cinéma et il est complètement à la hauteur de mes espérances.


3h20 mais c'est sans doute l'un des films qui justifie le plus sa longueur, le film ne marcherait pas du tout sur 1h30 ou 2h. J'ai l'impression que tout a déjà été dit dessus mais c'est un film qui parle de l'aliénation du quotidien et la répétitivité des taches d'une ménagère basique, le spectateur doit donc s'habituer aux automatismes de Jeanne.

Et c'est grâce à cette représentation du quotidien et de l'intime qu'on va dans un premier temps s'attacher à elle mais aussi s'habituer à sa routine, chaque mouvement, chaque geste, chaque mimique.


Mais on va vite se rendre compte que quelque chose ne tourne pas rond, déjà être à ce point d'aliénation c'est grave (mais je suis persuadé que ça a existé surtout en 75 mais même encore maintenant, l'époque a changé mais la société a même peut-être empiré) mais aussi que dès que Jeanne sort par mégarde de cet engrenage elle en est complètement perdue comme si elle n'avait jamais su vivre par elle-même en dehors des dictats de la société (même si elle doit bien le faire d'un point de vue financier), elle doit sans arrêt être distraite par les taches ménagères ou subvenir aux besoins de son fils qui n'a aucune reconnaissance envers sa mère ni même d'inquiétudes pour ce qu'elle ressent.

Si Jeanne sort de ce rouage, elle se rend compte de l'énorme vacuité de sa propre existence et qu'être soumis à la société capitaliste et patriarcale n'est qu'illusion d'un certain épanouissement, l'art, comme la musique dans le fim, n'est plus que divertissement. Le film est plus que jamais d'actualité quand l'aliénation n'est pas que de faire les courses ou s'occuper de son fils mais aussi de se divertir sur les réseaux sociaux ou ne voir le cinéma seulement comme divertissement. Jeanne Dielman 23 quai du commerce, 1080 Bruxelles est aux antipodes de tout ça, ce n'est pas un film qu'on regarde par plaisir bien au contraire même si sa construction narrative n'en reste pas moins fascinante.


Le film est très peu bavard mais dit tout, Chantal Akerman nous épargne les dialogues de personnages qui expliquent tout, avec Jeanne on ressent (grâce à une Delphine Seyrig phénoménale), on comprend par les gestes que quelque chose ne va pas.


Comme je le disais son fils est vraiment ingrat envers elle mais c'est surtout qu'inconsciemment il participe au rouage patriarcal (enfin j'ose espérer que c'est inconscient) , sans compter les reproches qu'il peut lui faire alors qu'elle n'est qu'une victime d'un système qui a formé des Jeanne Dielman par milliers même si il en est sûrement une victime aussi au même titre que sa mère.

Jeanne Dielman est reléguée au rang de corps qui ne vit plus, qui ne pense plus, la déshumanisation est totalement aboutie sur elle.


J'aimerais finir par la mise en scène parce qu'on peut penser que c'est des plans fixes bateaux dans le cliché du film d'auteur chiant mais là encore c'est tellement intelligent de la part de Chantal Akerman : les plans fixes, eux, ne vont pas sortir du rouage quotidien de Jeanne, c'est là que c'est fort, la mise en scène répète le quotidien et c'est là qu'on va sentir la malaise et l'habitude qui n'est plus la même comme cette magnifique scène au café où Jeanne Dielman est limite pousser hors du cadre de son propre film ou aussi le 2ème repas avec son fils qui s'éternise.

C'est chirurgical en terme de mise scène, de montage, direction d'acteurs, d'écriture et d'éclairage bref c'est un CHEF D'OEUVRE.

Eykho
10
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le 31 août 2025

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Eykho

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