Chef d'oeuvre dramatique fascinant et austère ambiancé par David Gordon Green avec Nicolas Cage

Pour ceux qui ont l’habitude de me suivre, j’ai pour rituel de me regarder un cinéma particulier entre le dernier week-end d’octobre et mi-novembre. Et de m’inclure le fameux et coutumier « Rock », avec Nicolas Cage, dans ce cinéma de novembre.

Pour cette année 2023, j’ai décidé d’incorporer, dans mon cycle Nicolas Cage, deux films de l’un des meilleurs seconds couteaux de la double décennie 1980-90, à savoir le charismatique acteur au regard bleu incandescent : il s’agit bien évidemment de l’inconditionnel Ed Harris.

Vous l’avez bien compris, très chers amis spectateurs, ma check-list va se décomposer ainsi.

En première place : « Rock », première et unique collaboration entre l’oscarisé du meilleur acteur de « Leaving Las Vegas » et le primé du Golden Globe du meilleur acteur de « The Truman show ».

En deuxième place, « Cleaner », avec Ed Harris (mais aussi Samuel L. Jackson : cool !).

« Joe » siégera en troisième place en laissant Nicolas Cage incorporer l’écran.

« Un talent en or massif » clôturera, en quatrième place, mon cycle sur le neveu de Coppola qui est ici en totale en roue libre.

Un cinéma d’action et d’aventures en perspective : du fun, du jouissif, du Nicolas Cage, du Ed Harris…, que demander de mieux ?


« Rock », 27 ans après sa sortie en salles, est toujours pour moi ce savoureux cocktail détonnant, jouissif et explosif dont je ne me lasserai jamais de (re)voir.

Un film culte pour ma part qui restera le modèle du film d’action des 80-90’s avec « Piège de cristal », « Une journée en enfer » et « Les ailes de l’enfer » : clairement, ces quatre films d’action resteront l’apothéose de ce genre.


« Cleaner »(2008) marque au fer rouge l’affrontement bas de tableau mais honorable entre Samuel L. Jackson et Ed Harris (devançant l’acteur de « Négociateur » dans sa qualité d’interprétation) dans une histoire de meurtre.

Pour moi, il restera ce thriller bancal mais fort divertissant mené au couteau par l’infatigable faiseur Renny Harlin (« Clifhanger », « Driven », « Profession profiler »).



J’en arrive maintenant à « Joe », adaptation du roman éponyme de l’écrivain Larry Brown par l’ancien professeur du réalisateur David Gordon Green (Gary Hawkins, qui se fait donc ici scénariste !), primé à la Mostra de Venise en 2013, qui évoque, à bien des égards « Mud, sur les rives du Mississippi », les réalisateurs de ces deux œuvres (Gordon Green et Jeff Nichols !) ayant réalisés leurs études de cinéma ensemble.


Synopsis : Joe, ancien taulard, se reconvertit dans l’abattage de bois le jour et dans la bouteille la nuit. Lorsque Gary, un ado déboussolé, déboule un matin sur un chantier, il le prend sous son aile. Dès lors, leurs vies seront liées à jamais dans un déferlement de violence ...jusqu’à un point de non-retour !


Vous l’avez tous compris, très chers amis spectateurs, le scénario ici écrit sur papier glacé tient en une phrase : « l’espoir fait vivre ». Idéalement, l’histoire pouvait nous être contée, il n’en est rien !

Le scénario (de Gary Hawkins, donc) tient à l’ambiance que nous tend David Gordon Green, le metteur en scène du drame familial « L’autre rive ».


L’atmosphère est ainsi prenante, abrasante, irrespirable, d’une toxicité sans faille. Nous y sommes embringués, dans la lignée de « 3 billboards » et de « Mud ». Oui ….ow !

La mise en scène y contribue fortement. Caméra à l’épaule, le réalisateur de « Snow angels », de « Délire express » et de la trilogie « Halloween » (de 2018, 2021 et 2022) capte les suintements de vie et de mort à chaque image (au passage, très belle photographie du chef opérateur ! L’image léchée et travaillée par le directeur de la photographie Tim Orr -collaborateur attitré du réalisateur (« George Washington », « Votre majesté », « Manglehorn »...- retranscrit de manière palpable les états d’âmes des personnages) : les très légers mouvements de caméra sur les plans d’ensemble et les gros plans sur les personnages donnent cet aspect rugueux, dur et anxiogène du long-métrage.

D’où cette mise en scène sèche et aride, et même noire de la part de David Gordon Green qui invoque et convoque une violence crue et réaliste.

Nous avons ainsi affaire à une mise en scène psychologiquement éreintante, rugueuse, âpre et violente où le pouvoir de répulsion est inoxydable.

L’atmosphère irrespirable et donc forcément viscérale se voit dotée d’un pouvoir de fascination étrange et mystérieux. David Gordon Green propose un polar d’atmosphère par ses effets sonores changeant (bande-son électrique, bluesy, enivrante et nous collant au corps mise en mode vibreur et suintements par David Wingo et Jeff McIlwain -compositeurs fétiches du réalisateur pour avoir travaillés sur « Snow angels » et « Baby-sitter malgré lui », Wingo s’est aussi distingué sur « Take shelter », « Mud » ou encore « Maggie » dans lequel joue un certain Arnold Schwarzenegger-), ces effets nous éreintant quasiment systématiquement sur place.

En ressort un thriller social nerveux qui se termine en un drame psychologique poisseux. Le film, du metteur en scène du biopic « Stronger », est viscéral en lui-même et nous prend littéralement aux tripes comme le tord-boyaux que boivent Joe et le père de Gary. A la vôtre les gars !

Le réalisateur David Gordon Green pose à sa façon ce cinéma rageur et pessimiste mais posé dénonçant l’immoralité, la violence et la misère, à bien des égards.


Le metteur en scène primé de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour le drame intimiste « Prince of Texas » convoque un casting en or, et encore aujourd’hui inédit. C’est dire la performance magistrale de l’ensemble des acteurs sur « Joe ». Un sans-faute à 100 % ! Des performances uniques pour de sacrés numéros d’acteurs.

Pour viser juste, nous avons d’abord droit à un Nicolas Cage (« Rusty James », « Peggy Sue s’est mariée », « Snake eyes », « 60 secondes chrono », « Windtalkers », « Lord of war », « Ghost rider », « Le pacte », « Snowden », … et vu dernièrement dans « Renfield ») impérial qui se fond dans le personnage de Joe. Bien loin de ses réparties habituelles (je pense cash à « Rock » : « j’ai une envie d’aller à la chasse aux missiles ! », « Les ailes de l’enfer » : « je vais te prouver que Dieu existe ! », « Volte-face » : « ce n’est pas mon visage et ce n’est pas ma voix ! » -à sa femme Joan Allen, connue du public pour avoir jouée dans la quadrilogie sur Jason Bourne-), il est ce héros peu conventionnel, un sauvage au caractère bestial et aux envolées violentes, qui fait sa loi : quel pied que de voir Cage, en roue libre, dans ce rôle dramatiquement élaboré et faisant davantage parler la poudre plutôt que le fusil. Que du bonheur ! Ou quand l’aventurier Benjamin Gates trouve ici son rôle de la maturité. L’une de ses meilleures compositions, à n’en pas douter ! (juste derrière « Les associés » de Ridley Scott et « Birdy », pour ma part). D’autre part, et pour ne pas oublier l’adorateur français que je suis, Dominique Collignon (l’un des frères de Dewaere !), assure toujours le doublage de l’iconique acteur qui a chanté « Love me tender » à Laura Dern dans le lynchien « Sailor et Lula ». Merveilleusement Cage.

Tye Sheridan (fils de Brad Pitt dans le malickien « The tree of life », il est ensuite de tous les projets : « Mud », « Dark places » de Paquet-Brenner, la saga « X-men », « Ready player one », « Voyagers » de Neil Burger) campe ce gamin (Gary) déchiré et usé par la vie. Ses rêves de liberté et d’autonomie en font l’égal de jeu de Nicolas Cage, son alter-ego à l’écran et ce tout en finesse et en subtilité de jeu. Tye, doté d’une rage de vaincre intérieure impressionnante par sa carrure et sa stature est ainsi le partenaire de jeu idéal, en or et intelligent de Nicolas Cage. Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir masculin amplement mérité. Waw… !!

Le père de Tye Sheridan, Gary Poulter (son unique rôle au cinéma !, « Joe » lui étant dédié car décédé avant les premières présentation du film), est un réel vagabond ! Il incarne un père ivrogne et violent ayant une emprise sur sa famille. Dès la première séquence d’intro, Gary Poulter s’impose déjà : de dos, Tye Sheridan parle à son père (de ses fautes, de ses problèmes, de ses accès de violence). Sa présence, seule, suffit à nous scotcher : une sacrée gueule ! Il s’est imposé face à moi direct comme l’équivalent d’un Bruce Dern. C’est dire… !!!

En seconds couteaux, David Gordon Green nous permet de nous imprégner des gueules cassées du cinéma ricain : Ronnie Gene Blevins (vu au cinéma dans « Death wish » aux côtés de Bruce Willis, il a traîné sa carcasse sur plusieurs séries de renom le temps d’un épisode telles « Urgences », « True blood », « True detective », « Tulsa king », …) en ennemi pas très recommandable du duo Tye Sheridan/Nicolas Cage, Sue Rock (qui a côtoyé Woody Harrelson sur « The duel ») qui se fait amie de Cage pour une aventure sans retour, et Aj Wilson McPhaul (également présent sur « Manglehorn » pour le réalisateur) en commissaire de police rurale.


Pour conclure, « Joe »(2014), western urbain poignant à l’issue fatale et dramatique, peut se targuer d’être sur des charbons ardents un long-métrage savamment orchestré par le metteur en scène du drame « George Washington » (sur l’adolescence perdue) en des tensions dramatiques nerveuses et coup de poing.

Coup de maître implacable pour un chef d’œuvre dramatique pessimiste alambiqué par le nouveau maître contemporain des laissés pour compte, des blessés de la vie : David Gordon Green, le nouvel Eastwood.

Chef d’œuvre glacial fascinant du cinéma indépendant américain.


Spectateurs, la rédemption peut elle être un théorème ? A méditer…


Note.

« Un talent en or massif », dont ma critique arrivera plus tard, a bien terminé mon cycle Cage-Harris. Comédie d’action et auto-parodie, ce film est bien ce que « Last action hero » est à Schwarzy : du pur bonheur !, et surtout, ce « p***** de Nicolaaaaaaaaaaaaaaaa-as ouaw ! Cage ».

brunodinah
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le 16 nov. 2023

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