Vous êtes réalisateurs et vous souhaitez faire une mauvaise comédie musicale ? Ce guide est fait pour vous !
Puisque vous faites une comédie musicale, il est impératif de bien rater les scènes musicales. Pour cela, il est tout d’abord recommandé de faire en sorte que ces scènes ne fassent pas avancer la narration, mais la mettent en pause, afin de créer un moment de vide qui ne manquera pas d’ennuyer le spectateur. Un bon moyen pour cela est de faire se dérouler les scènes dans l’esprit des personnages plutôt que dans le monde réel. Mais attention ! Il peut être alors tentant de vouloir profiter de ces scènes afin de développer la caractérisation des personnages, puisque l’on est dans leur tête. C’est une erreur qu’il vous faut éviter à tout prix ! En effet, si vous procédiez ainsi, vous rendriez accidentellement ces scènes intéressantes, et vous pourriez vous retrouver à réaliser des scènes semblables à celles de Dancer in the Dark. Et ce qui est sûr, c’est que vous ne voulez pas d’une palme d’or !
En plus de ne rien raconter, il est également impératif que ces scènes soient dotées de mauvaises musiques. Une erreur commune consiste à vouloir tisser un lien de résonnance entre la musique et les personnages ou les situations. Par exemple, un débutant, s’il a un personnage dont l’une des caractéristiques premières est sa folie, pourra être tenté de la retranscrire avec des musiques emplies de distorsions et d’images folles comme en présente un film comme The Wall. Ce faisant, il donnerait inévitablement un caractère intéressant et original à ces scènes, et il vous faudra éviter cet écueil. Nous vous conseillons donc plutôt d’opter pour des musiques qui soient les plus fades et banales possibles, en étant bien attentif à éviter tout lien entre ces musiques et la psyché des personnages. Il faut que les spectateurs aient l’impression de déjà les avoir entendues mille fois, et qu’ils les oublient aussitôt celles-ci terminées. Un bon indicateur du succès ou non de votre démarche réside dans l’après-séance : il n’est pas rare, après le visionnage d’une comédie musicale de trop bonne qualité, de sortir de la salle avec des musiques en tête ; vous ne voulez pas que ce soit le cas avec votre film. De plus, si les spectateurs, non seulement ne sortent pas de la salle avec des musiques en tête, mais en plus, même en faisant des efforts, se retrouvent incapables de se souvenir de la moindre chanson ; c’est que vous avez réussi à correctement les rater.
Il est également important de bien rater sa mise en scène. Pour cela, contentez-vous de trouver une unique idée de mise en scène, de préférence banale – baisser les lumières du décor afin de ne laisser d’éclairage que sur les protagonistes et d’imiter une scène de théâtre par exemple – et tenez-vous en à celle-ci. Avoir une ligne directrice comme celle-là vous permettra d’éviter d’accidentellement mettre de la diversité – et donc potentiellement de l’originalité – dans vos scènes. Vous vous inquiétez peut-être du fait que cela puisse montrer l’envie de votre personnage d’être sous le feu des projecteurs, et donc de développer sa caractérisation. Ne vous inquiétez pas, si ça sera bien le cas – on ne peut malheureusement pas atteindre de médiocrité parfaite – le fait de répéter ce parti pris encore et encore le rendra vite redondant et ennuyant pour votre spectateur, permettant efficacement de rendre mauvaises vos scènes musicales.
Ayant vu trop de comédies musicales trouver des manières originales d’amener une musique, vous pourriez être tenté de faire de même. Gardez-vous-en ! Un procédé empêchant de rendre l’arrivée d’une musique mauvaise est par exemple d’effectuer un glissement sonore allant progressivement vers la musique : par exemple les bruits de pas d’un personnage qui finissent par battre le tempo de la musique qui va suivre, ou encore – pour citer une fois de plus Dancer in the Dark – le bruit des machines d’une usine peuvent progressivement devenir la mélodie d’une musique. Ces procédés créent instantanément de l’intérêt pour le spectateur, et amènent une dimension onirique et magique aux scènes musicales qu’il vous faut éviter à tout prix. Il est ainsi plutôt recommandé de privilégier le fait d’amener les scènes musicales de manière abrupte, en évitant de travailler leur intégration dans le reste du film.
À ce stade, vous êtes déjà capable de réaliser des scènes musicales d’une médiocrité que peu de films peuvent se vanter d’avoir atteinte : mauvaise musique, vide narratif, et mauvaise mise en scène. Mais il est possible d’aller encore plus loin.
Vous pourrez en effet être tenté de mettre de la danse durant ces scènes. C’est un choix qui est généralement adopté par les réalisateurs. Cependant, la danse ajoute du mouvement à l’image, et cela pourrait nuire à l’ennui du spectateur. Vous pouvez donc chercher à faire de mauvaises chorégraphies, mais il est plus simple de ne pas en mettre du tout et de privilégier des personnages relativement statiques. Il faut cependant noter qu’il est tout à fait possible de ne pas mettre de danse et de se retrouver malgré tout avec de bonnes scènes musicales ! Cela peut notamment arriver si vous ne suivez pas nos précédents conseils et que la scène fait avancer l’intrigue. Gardez-vous donc de dépeindre un trajet d’un point A à un point B avec une scène chantée, ou encore de faire un dialogue chanté ; cela amènerait du mouvement visuel dans le premier exemple, et du mouvement narratif dans le second. Vous risqueriez alors de vous retrouver avec une scène plus intéressante que vous ne le souhaitez.
Si vous suivez nos conseils, vous vous retrouverez avec des scènes musicales ne donnant rien au spectateur auquel se rattacher, rien pour que ces derniers puissent y trouver de l’intérêt : ni de la narration, ni du développement de personnage, ni des idées de mise-en-scène, ni de la bonne musique, et ni de la danse. Vous aurez donc des scènes d’une délicieuse fadeur, totalement dénuées de la folie que vous pourriez vendre avec le titre de votre film – si l’on reste sur l’exemple d’un film porté par un personnage caractérisé par sa folie. Et pour le reste des scènes, celles qui ne sont pas musicales, ne vous inquiétez pas, si vous réussissez suffisamment bien à faire de mauvaises scènes musicales et les mettez en nombre suffisant dans votre film, cela suffira à nuire à toutes les autres et à contrer un éventuel intérêt que vos scènes non-musicales pourraient accidentellement produire.