Première image. Trois hommes avancent dans la neige, fusil sur l’épaule, le rouge d’une cigarette au bec. En trois dessins, nous les voyons – de manière saccadée – traverser l’écran de gauche à droite. Tout le projet d’Aurel est là, dans ces quelques secondes animées.


D’abord la technique d’animation : nous serons bien loin d’un film d’animation classique, à la Disney, à la Pixar, ou aux autres productions françaises. Josep, c’est avant tout un film autour du dessin. Dans une interview, le réalisateur Aurel – par ailleurs dessinateur de presse, notamment au Monde et au Canard enchaîné – explique sa vision du film : son idée est de proposer au spectateur d’être « assis sur l’épaule du dessinateur à sa table à dessin », de faire un « film de dessins » plutôt qu’un « dessin animé classique ».


Le film d’un dessinateur sur un autre dessinateur, Josep Bartoli, caricaturiste espagnol du début du XXe siècle, peu connu en France, qui a démarré ses dessins pendant la période républicaine espagnole, dans les années 1930, dans la presse marxiste et communiste. En 1939, fuyant la dictature de Franco, il traverse les Pyrénées avec près de 500 Républicains et se retrouve parqué dans des camps de concentrations dans le Sud de la France. Il s’agit d’une page un peu oubliée de notre Histoire : la Retirada.


Josep n’est pas tant un biopic qu’un film ayant pour motivation de faire découvrir l’œuvre de Bartoli. Les dessins d’Aurel et les caricatures de Josep se mêlent intelligemment tout au long du film.


Le film s’amuse également à mêler les époques et les styles picturaux, à l’année 39 et au quotidien du camp de concentration viennent se mêler une période mexicaine beaucoup plus colorée – alors que le caricaturiste entretient une liaison avec Frida Kahlo -, pour se terminer de nos jours à New York, dans un contexte moderne dominé par le Street Art.


Josep est un film très émouvant, porté par un magnifique dessin et une musique exceptionnelle. Avec une combinaison de sortie à 200 copies et plus de 150 000 spectateurs après quatre semaines d’exploitation, voilà un film à qui le contexte sanitaire, par ailleurs catastrophique pour le milieu de la Culture, aura plutôt bénéficié : un score très honorable, qui n’aurait surement pu être atteint dans un contexte « normal ».


Josep est un petit et fragile bijou, mais un très grand film ! Sans l’ombre d’une hésitation l’un des meilleurs de cette année 2020. Quelle joie de le retrouver dans la liste des films ayant reçu le Label Cannes 2020 !

D-Styx
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 28 oct. 2020

Critique lue 329 fois

5 j'aime

1 commentaire

D. Styx

Écrit par

Critique lue 329 fois

5
1

D'autres avis sur Josep

Josep
Sergent_Pepper
7

Encre le ciel et l’enfer

Pour son premier long métrage d’animation, le dessinateur Aurel s’est imposé un défi de taille : évoquer à la fois l’épisode de la Retirada, la fuite massive des républicains suite à la victoire de...

le 30 oct. 2020

30 j'aime

Josep
Moizi
5

Morne et fade

Je vais dire que l'échec de Josep est à la hauteur de ses ambitions. Disons que le film est beaucoup trop manichéen pour être réellement intéressant. On a d'un côté les gentils espagnols, les...

le 12 oct. 2020

24 j'aime

1

Josep
Hawk
8

Josep : Quand l’art dénonce les camps de concentration français

En ces temps troublés pour l’industrie cinématographique, le public français a l’occasion de découvrir des petites productions comme celle-ci, profitant de l’absence des gros blockbusters sans cesse...

Par

le 16 oct. 2020

17 j'aime

5

Du même critique

Annette
D-Styx
10

Adam Driver and the Cursed Child !

Vraiment, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu autant de cinéma dans un film ! Une proposition si singulière, un long métrage de cet ampleur ! Quel plaisir de découvrir en Ouverture de...

le 2 juin 2022

43 j'aime

12

Bob Marley: One Love
D-Styx
8

One Love, One Heart, One Destiny !

Les biopics musicaux ont bien souvent un point commun : celui d’être décriés à leur sortie, car jamais assez proche de la réalité, de la vie de l’artiste, de l’image que l’on s’en fait. Mais en...

le 12 févr. 2024

37 j'aime

6

Road House
D-Styx
7

Jake l'éventreur

Je suis surpris de lire autant d’avis aussi négatifs sur Road House. Certes, clamer au chef d’œuvre serait légèrement disproportionné, mais j’avoue que je n’ai pas passé un moment déplaisant en...

le 25 mars 2024

34 j'aime

6