Dans le Trans Pakistan Express que Joyland nous fait découvrir, Biba, de par sa flamboyance, son talent de danseuse et sa capacité à assumer sa transsexualité, dans un pays aussi patriarcal que le Pakistan, semble devoir être le personnage principal du premier long-métrage de Saim Sadiq. Pourtant, ce n'est pas vraiment le cas dans ce film remarquable qui décrit avec soin une famille où cohabitent plusieurs générations, avec un taux de frustration élevé parmi ses membres. Joyland est aussi une histoire d'amour très romantique et colorée (les séquences musicales et dansées sont un ravissement pour les yeux) mais sa richesse thématique et humaine conduit à un film presque choral dans lequel aucun protagoniste n'est négligé. Sa réussite tient notamment à un équilibre parfait entre moments légers, voire euphoriques, et épisodes très dramatiques, sans que jamais le fil narratif ne soit rompu, avec quelques changements audacieux de perspective. Le film prend le pouls de Lahore sans lourds effets démonstratifs, nuançant son propos dans ce qui est, malgré les apparences, un véritable cri d'amour pour une ville et pour un pays où d'immenses progrès sont attendus dans une société qui vit encore sur des lois non écrites, datant des siècles passés. Joyland, de par son esthétisme raffiné et la richesse de son récit, mérite d'être considéré comme une véritable pépite venant d'une contrée où le cinéma de divertissement, à l'instar de son voisin indien, ne laisse guère de place à des œuvres plus sociales et engagées.

Cinephile-doux
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Au fil(m) de 2022 et Les meilleurs films de 2022

Créée

le 8 oct. 2022

Critique lue 2K fois

33 j'aime

1 commentaire

Cinéphile doux

Écrit par

Critique lue 2K fois

33
1

D'autres avis sur Joyland

Joyland
AnneSchneider
8

Le Pakistan contemporain, entre contrainte et étouffement

 Qu’est-ce qu’être homme ? Et, peut-être plus encore, comment être un homme dans le Pakistan contemporain, république islamique fondée sur un système patriarcal et des traditions qui corsètent...

le 14 déc. 2022

18 j'aime

14

Joyland
EricDebarnot
8

Trouble du genre et joie du cinéma

La plupart des films qui s’attaquent au sujet à la fois brûlant et polémique, voire clivant, des « genres » le font dans le contexte finalement rassurant des sociétés occidentales où une certaine...

le 2 janv. 2023

12 j'aime

1

Joyland
Noel_Astoc
5

Fille de choix

Découvert à l’UGC des Halles à Paris dont on ne saurait trop louer la très large programmation, j’allais avec bonne volonté et sans aprioris découvrir mon premier film pakistanais. J’avoue avoir été...

le 31 déc. 2022

5 j'aime

2

Du même critique

As Bestas
Cinephile-doux
9

La Galice jusqu'à l'hallali

Et sinon, il en pense quoi, l'office de tourisme galicien de As Bestas, dont l'action se déroule dans un petit village dépeuplé où ont choisi de s'installer un couple de Français qui se sont...

le 27 mai 2022

75 j'aime

4

France
Cinephile-doux
8

Triste et célèbre

Il est quand même drôle qu'un grand nombre des spectateurs de France ne retient du film que sa satire au vitriol (hum) des journalistes télé élevés au rang de stars et des errements des chaînes...

le 25 août 2021

73 j'aime

5

The Power of the Dog
Cinephile-doux
8

Du genre masculin

Enfin un nouveau film de Jane Campion, 12 ans après Bright Star ! La puissance et la subtilité de la réalisatrice néo-zélandaise ne se sont manifestement pas affadies avec Le pouvoir du chien, un...

le 25 sept. 2021

70 j'aime

13