Jurassic Park fut un mythe, une institution, dès son apparition en 1994 sur les grands écrans et dans les salles obscurs où rugirent pour la première fois spectateurs apeurés et gueules béantes plantées de crocs acérés. Le mythe eut un suite à la King Kong avec le plus cynique des héros du premier opus, plutôt réussie. Et pour clore l'épanode, on fit revenir par ruse le plus épique des héros du premer volet. La saga tourna court pendant de longues années...

... lorsque se réveillèrent en même temps que la Force rachetée par Disney et la dyslogie Star Wars, que tente de sauver un Star Wars-verse pour l'heure plus convaincant, plusieurs de ces mythes des années 80-90 que l'on espérait plus. Les suites et remakes des sixties en ont aussi souvent pâti.

Ce fut l'heure des requels modernes, des films hybrides entre suite et remake qui, à rebours de ce qui a pu se faire dans certaines vieilles séries télévisées ou sagas (Chapeau Melon et Bottes de Cuir ou Mission: Impossible, par exemple, Dangereusement vôtre ou Tuer n'est pas jouer pour James Bond), ont servi à ramener la vieille garde pour passer le realis à de nouvelles générations dans de vrai-faux copié-collés tantôt ludiques et appréciables, tantôt iconoclastes et et détestables. C'est alors que les salles obscures ont vu éclore sur grand écran une saga séquelle à celle de 1994 (à laquelle François Walthéry prédisait pour rire au moins 34 volets): Jurassic World !


Jurassic World, qu'on ait aimé ou non, a prouvé que certains de ces requels modernes ne se rendaient pas dépendants des anciens héros, savaient les inclure inelligemment dans une nouvelle ère dont ils étaient alors des seconds rôles justifiés. Tout comme la saga séquelle Creed. Colin Tremorrow, qui laissait présager un beau Duel des destins pour Star Wars IX, n'a pu sauver la galaxie lointaine, victime de l'Ego Wars d'Abrahams-Johnson mais a su exploiter les désirs les plus fous des fans de Jurassic Park pour donner une réalité au rêve d'Hammond puis pour libérer les dinosaures sur l'ensemble du globe, en finissant avec le sempiternel échappatoire de l'hélicoptère laissant les monstres sur l'île.

Puis est arrivé Jurassic Lab: et c'est là que commence l'apocalypse !


Sur le plan heuristique, déjà, on sera mitigé.

La fin du second film laissait attendre une aventure post-libération des dinosaures, remettant en question la préséance de l'homme sur terre. Il n'en n'en est presque rien puisque l'homme les domestique assez vite et, éternellement mercantile, en vient même à en faire des trafics illégaux ! Pire encore, un nouveau centre est créé pour réunir les dinosaures capturés ! Comme si rien ne s'était vraiment passé sinon la disparition de l'île originelle du Jurassic Park.

Le film donne l'impression d'un film policier, d'un film d'espionnage où les dinosaures font office de drogues, d'armes, de victimes de la traite des blanches. Les héros sont pistés au laser, on se sert de sniper: il ne manque plus que le dinosaure misogyne relique de la guerre froide: Bond James Bond.

Puis, l'histoire se divise en deux segments appelés à se rejoindre, faisant passer le spectateur au niveau métadiégétique.


Sur ce nouveau plan, encore, on peut être partagé entre enthousiasme et déception.

L'on assiste ici à la fois à un Jurassic World 3 mais aussi à un Jurassic Park 4. Dès les premières secondes, des news télévisuelles font le résumé des deux derniers Jurassic World pour ceux et celles qui ne les auraient pas suivis: on peut y voir comme une parenthèse, comme si les deux Jurassic World n'avaient été qu'un entre-mets servant à préparer un impossible Jurassic Park 4 que voici. Le Monde d'après s'avère donc le Jurassic d'après, le premier ou unique volet d'une nouvelle saga de cette franchise: Jurassic Lab ! Car, en réalité, ce nouvel opus se réduit à la conjugaison des requels réunis de Jurassic Park 1 et Jurassic World 1, déjà liés par cette notion narrative: le requel synthétique de deux précédents requels. Un comble de génie ou d'inanité, selon le goût des spectateurs.


Sur le plan herméneutique, on touche à plus intéressant.

Le film originel de Spielberg offrait à lire derrière son récit de science-fiction un plaidoyer pour l'égalité des sexes, aspect en partie dévoilé par la réplique aussi célèbre qu'étrange de Laura Dern, féministe fanatique devant l'Éternel: "Dieu crée les dinosaures. Dieu détruit les dinosaures. Dieu crée l'homme. L'homme détruit Dieu. L'homme crée les dinosaures. - Les dinosaures mangent l'homme. Et la femme hérite de la Terre." (nous aussi, Laura, on t'aime !)

Ce nouvel opus souffre de la même tiédeur que le récent Last Night in Soho d'Edgar Wright, comme le satyre de la fable, il souffle le chaud et le froid. Il y est en effet question non plus de modifier génétiquement les dinosaures mais les humains ... en commençant par les sauterelles. Là, le message premier écologique est clair, porté par une simili-Thunberg et une allusion biblique soulignée lourdement par le titre du nouveau livre du Dr Malcolm et un dialogue du film. Et ce message n'est pas mauvais. Il rejoint presque cette attente générée par le titre d'une métaphore de la re-création des dinosaures et leur libération en cataclysmes dus aux découvertes scientifiques humaines, du nucléaire au Covid.

Là où blesse le bât, c'est dans l'autre message qui lie ce nouvel opus au tout premier de la série. L'héroïne nouvelle génération serait le fruit d'une auto-procréation par une femme génétiquement modifiée. Un manifeste metooïste s'il en est, tant cette inovation laisse derrière lui peu de sens à l'existence masculine. Pourtant, dans le même temps, hommes, femmes et dinosaures pacifiques luttent contre un transhumaniste fou et cupide et deux prédateurs préhistoriques qui mène une lutte de virilité sans merci. Le jeu d'apprenti sorcier sur la génétique comme le "perfectionnement" transhumaniste est donc en partie condamné et en partie célébré. L'entente entre les sexes et la lutte misandre entamée en 2017 semble faire un bon et étrange ménage. Tout ce désordre herméneutique, qui cherche à plaire à chacun et qui peut déplaire à tout le monde, s'incarne à la perfection dans le final sur cette vierge Marie laïque et génétiquement mofifiée qui répond au célèbre slogan de la franchise, à la célèbre devise d'Hammond: "la vie trouve toujours un chemin" par ce simple verbe "co-exister". La morale du film consisterait à accepter les vieilleries hétérosexuelles et les mômeries homosexuelles, les familles classiques et les familles normales en leur trouvant un bouc-émissaire, un ennemi commun: le prédateur ultime, viril et financier.


Un "co-exister" polysémique pour tout point final, qui laisse mitigé dvant ce film qui cherche - tout en dénonçant la mutation - à faire muter Jurassic Park et Jurassic World vers un Jurassic Lab.

Frenhofer
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le 15 juin 2022

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