Confession Intime N°6 : 12 ans sans voir la mère


Quelque part, il y a déjà quelque temps



Louis, 34 ans, s'il a réussi sa vie en tant qu'auteur, du coté familial ce n'est pas la même, éloigné de son village d'enfance depuis 12 ans il revient au bercail pour annoncer à sa famille sa mort prochaine. C'est pour un jour que Louis revient, plus précisément une après midi, angoissé à l'idée de retrouver les siens et de leurs réactions quant à son retour il prendra beaucoup sur lui et attendra le moment propice pour avouer son triste destin aux siens.


Nous sommes dans l'avion en ce début de journée placée sous le signe des retrouvailles quand Louis se verra chamaillé par un gamin assis derrière lui, un joli moment pour commencer notre reportage.
Après un petit déjeuné pris à la cafette de l'aéroport on saute dans un taxi direction la maison. Le voyage se passe simplement, le trafic est dégagé, la nostalgie des lieux se fait sentir et voilà que le véhicule s'arrête devant la fameuse maison.
Aussitôt nos caméras se braquent sur le reste de la famille afin de récolter des émotions, des mots, des attentes vis à vis de ce retour. Ainsi nous rencontrons le reste de la famille, tous stressés à l'idée de cet après midi, les "pourquoi est-il là ?" sont de mise, tout comme bien d'autres questions.
L'ombre de Louis apparaît petit à petit derrière la porte et le voilà, le moment phare de la journée et même peut être de leur vie arrive enfin.
S'en suivent des discutions périlleuses, brouillonnent, maladroites, des comportements brutaux, des questions, peu de réponses, des frustrations et bien d'autres.
Louis n'est pas à l'aise mais se devait d'être là pour annoncer la nouvelle, que ce soit à :
- Sa mère, femme encore jeune dans sa tête qui ne souhaite qu'à passer un beau moment, déjà qu'ils sont trop rares, elle comprendra son fils quoiqu'il arrive... ou pas.
- Suzanne (sa sœur), ils ne se connaissent pas et ne se connaîtront jamais, elle était bien trop jeune quand il est parti et elle aura du mal à gérer ses émotions, entre reproches et envie d'affinités, ce n'est pas évident.
- Antoine (le frère), lors d'un souvenirs on comprendra qu'ils s'aimaient beaucoup mais qu'au fil du temps le petit frère à su imposer plus de talent, de reconnaissance que l’aîné, ce qui est toujours resté en travers de la gorge de ce dernier.
- Catherine (la femme d'Antoine), la seule personne qui comprendra et partagera ne serait-ce que par un regard avec Louis, tel un ange qui guide la pauvre âme vers l'au delà.


Cinq personnes, une après midi, une annonce troublante, des questions, des émotions, Juste une journée.



Salades et engueulades



Ce n'est pas la première fois qu'on nous sort un film sur une journée en famille qui part en couillasse, alors que c'est souvent ciblé comédie, il arrive que ça parte dans le dramatique à l'instar d'un Festen par exemple.
Ici le jeune et prolifique Xavier Dolan dont je suis fan depuis quelques temps maintenant nous revient avec certainement son film le plus intimiste, le plus simple, un huis clos adapté d'une pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce. Le grand prix au festival de Cannes 2016 ne sera clairement pas volé par Xavier qui une fois encore nous plonge dans un tourbillon d'émotions avec son premier film francophone.
Un film qui s'est tourné rapidement, juste après le festival de Cannes 2015 où il était membre du jury, pour lequel il s'est donné une fois encore à 5000%. Il s'occupe ainsi lui même du scénario, de la réalisation, du montage, des sous titres pour les autres pays, des costumes et j'en passe surement, une vraie usine à lui seul, un passionné qui passionne.


Si certains préfèrent lui cracher dessus à cause d'un égo peut être surdimensionné pour son âge ou quelque raison que ce soit, je préfère de mon coté m'incliner devant un talent comme le sien, avoir pondu déjà 6 films à 27 ans c'est tout bonnement bluffant, surtout quand ceux ci sont récompensés et félicités.
Juste la fin du monde dont je ne connais pas la pièce est ici refondu à la Dolan, prenant, pesant, bouleversant, fort et bien d'autres mots qui poursuivent sa carrière. Il nous pose là en spectateur de retrouvailles en apparence vides mais en profondeur très riches. En effet les mots, les dialogues ne servent à rien si ce n'est à cacher les émotions enfouies qui finiront pas sortir, comme le disait son réalisateur, l'important n'est pas ce qui est dit, mais ce qui n'est pas dit.
Pour cela il cadre énormément les visages, ce qui est troublant au départ mais qui s'avère judicieux, les plans de groupes sont peu nombreux et quand ils arrivent la puissance n'est jamais loin. De plus la photographie sublimement contrastée offre un coté vieille photo parfaitement associé au fait qu'on ne connaisse pas la date des événements. La bande son moins mise en avant que dans ses précédents films forcément et tout de même exquise, de quoi créer un vrai coup de cœur, la scène avec "numa numa yei" est incroyable par exemple, tout comme le générique d'ouverture précédé d'une scène irréprochable.
Une mise en scène au plus proche des ressentis, du vécu, de la vérité, tout comme la réalisation qui en plus des cadres visages dont je parlais ose le plan séquence comme la scène en voiture, il capte parfaitement le bonheur ou la tristesse d'un moment.
Il est aidé d'un casting 5 étoiles qui pour le coup renferme bien 5 personnes, que des grands noms d'ailleurs, Gaspard Ulliel en tête qui passera tout par le regard, magique ! Nathalie Baye (qui joue une seconde fois pour Xavier) en mère qui souhaiterait juste passer un bon moment, géniale ! Léa Seydoux n'aura jamais été aussi forte à l'écran que pour ce rôle de gamine perdue. Vincent Cassel, le charisme et la puissance d'un rôle si simple, un honnête homme qui ne supporte pas le succès de son frère parti vivre ailleurs alors que lui est toujours là pour les autres, un torrent d'émotions bluffant. Puis pour finir, Marion Cotillard qui elle n'aura jamais été aussi faible, aussi touchante, aussi petite, aussi naturelle, le seul personnage qui comprendra celui de Ulliel, ils partagent d'ailleurs plusieurs moments forts, un de ses meilleurs rôles.


En bref, je ne risque pas de laisser tomber ma passion pour Dolan qui ne cesse de me bluffer à chaque coup, ce film est très intimiste dans le style, dans le huis clos, dans ce qu'il raconte, même cette fin nous laissera comme les personnages, dans le vague, mais il résonnera comme l'un des plus puissant du jeunot.

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le 30 sept. 2016

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-MC

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