Dolan est un génie. Il est capable de faire un bon film à propos du déjeuner du dimanche midi avec Tonton Robert et ses propos racistes, et Tata Yvonne et son gigot d’agneau trop sec aux flageolets.
La première caractéristique de Juste la fin du Monde, c’est le sentiment d’oppression, présent dès les premières minutes du film, et renforcée par la musique et les plans très serrés proposés par Dolan. Il ne nous quittera plus, une heure et demie durant, Dolan en ayant fait l’aspect majeur de son film. Cette oppression est éprouvante, et on ressort du film au pire touché, au mieux complètement bouleversé, le sentiment général n’étant d’ailleurs pas figé : Juste la fin du Monde est un film qui s’apprécie avec le temps, et qui nécessite d’y réfléchir pour mieux en saisir toute la diversité.



Personnages variés, écriture complexe



Dolan doit ici faire face à la difficulté d’une adaptation, se réapproprier des personnages qui ne sont pas intégralement sortis de son imaginaire. On se retrouve donc avec une galerie de personnages variés, intéressants, voire complémentaires, mais pas complètement approfondis, contrairement à ce qu’on avait pu voir dans les précédents films du Québécois, qui ne peut pas, ici, exposer la plénitude de son talent de scénariste.


Ces personnages sont portés par un casting convaincant, au sommet duquel brille Gaspard Ulliel, éblouissant, qui nous fait ressentir son malaise, sa propre oppression comme si elle était nôtre. Léa Seydoux, qui interprète la benjamine de la famille, réalise une performance convaincante, en accord avec son personnage. Vincent Cassel, pour sa part, est comme souvent insupportable, mais ici cela s’accorde plutôt bien avec son personnage, dont on ressent la souffrance de plus en plus au cours du film. C’est un cercle vicieux : colérique et aigri, il est le bouc émissaire de la famille, ce qui provoque en lui à chaque fois plus de souffrance, de colère et d’aigreur, jusqu’à l’explosion. Quant à Nathalie Baye, la mère de famille, elle s’inscrit dans son rôle de manière correcte, parfois exagérée, certes, mais sa relation avec Louis (Gaspard Ulliel) demeure celle qui est la plus approfondie, avec une des scènes les plus marquantes du film, dans une œuvre qui fait se succéder les face-à-face entre le personnage principal et les membres de sa famille. Reste Marion Cotillard, maladroite, agaçante, horripilante, comme toujours. D’aucuns diront que c’est lié à son personnage, constamment rabaissé par son mari. Mais Marion Cotillard en fait trop et n’est pas crédible une seule seconde.

Que reste-t-il ?



Je retiendrai surtout Juste la fin du Monde comme le film où Dolan a définitivement acquis le statut de génie dans mon cœur. Ses films sont des œuvres d’art. A l’exception de Quentin Tarantino, je n’ai pas connaissance d’un réalisateur contemporain qui maîtrise aussi bien le cinéma en tant qu’art, qui joue à la perfection avec les codes et les plans.


Alors, en définitive, que reste-t-il du film ? Que penser de cette famille ? Tous les indices nous poussent à l’éviter, à fuir ce cercle familial où, comme le dit le personnage de Cassel, « personne ne comprend personne ». Mais en y réfléchissant, Juste la fin du Monde est peut-être une ode à la famille, à l’acceptation, à l’amour coûte que coûte. Parce que finalement, si Tonton Robert se mettait subitement à tenir des propos hautement philosophiques et que Tata Yvonne arrosait un peu plus son gigot, on apprécierait le repas, mais on n’y retournerait pas tous les dimanches.

Quentin_Boussar
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films vus en 2016 (+ avis) et Les meilleurs films de 2016

Créée

le 27 sept. 2016

Critique lue 646 fois

3 j'aime

4 commentaires

Critique lue 646 fois

3
4

D'autres avis sur Juste la fin du monde

Juste la fin du monde
Sergent_Pepper
5

Ma souricière bien-aimée.

Il y a quelque temps, quelque part : l’exergue du dernier film de Dolan l’affirme avec un brin de malice et de provocation : ses sujets sont toujours universels, et partant, toujours identiques. La...

le 22 sept. 2016

185 j'aime

6

Juste la fin du monde
EvyNadler
8

FAQ Xavier Dolan - Comprendre et apprécier Juste la fin du monde

Parce que je n'arrive pas spécialement à remettre toutes mes idées en place, parce que je n'arrive parfois pas à séparer le négatif du positif dans ce film, et surtout parce que je n'ai aucune idée...

le 22 sept. 2016

133 j'aime

12

Juste la fin du monde
takeshi29
9

Le film a bien failli être rebaptisé "Juste la fin de takeshi29"

Je ne vais pas faire long, non pas que je n'ai que peu de choses à dire sur ce film, tout au contraire, mais je suis simplement vidé, ravagé, "éparpillé par petits bouts façon puzzle" aussi bien...

le 9 oct. 2016

124 j'aime

39

Du même critique

Little Children
Quentin_Boussar
10

Un chef d'oeuvre

Il est de ces films qui ne vous laissent pas indemne, qui vous font réfléchir, et c’est le cas de Little Children. Sorti en salles aux Etats-Unis en 2006, et en France en 2007, le film est...

le 27 sept. 2013

16 j'aime

1

Blackbird
Quentin_Boussar
10

Lettre d'amour ouverte

Je suis allé voir Blackbird sans avoir la moindre idée de ce dont il retournait. Sans doute avais-je lu le synopsis il y a longtemps, quand un nouveau film avec Kate Winslet avait été annoncé, puis...

le 25 sept. 2020

13 j'aime

7

Django Unchained
Quentin_Boussar
8

La réconciliation.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que j'ai toujours été allergique à Tarantino. C'était fouilli, on ne comprenait jamais rien, c'était drôle mais vu que l'humour ne semblait pas être le but du film, ça...

le 9 oct. 2013

11 j'aime