Bien installé dans mon siège de cinéma fraîchement remplacé, un sentiment rare me traverse. Les lumières s’éteignent, les gens ferment leur mouille dans l'attente palpable du Saint Graal. Entre excitation et crainte.


TUTUUUU ! TUTUUUU ! TUTUUUU !


Avoir l'esprit critique sur une œuvre qui a accompagné une partie de ma vie ne sera pas forcément une sinécure. Soyons clair d'entrée, j'ai été conquis par les deux heures de ce premier volet. Non sans quelques maladresses, Alexandre Astier m'a saisi là où je ne l'attendais pas. Fidèle à ce qu'il veut raconter, il le fait sans vraiment se dire si telle ou telle chose va plaire au spectateur. C'est la force d'un metteur en scène qui prend beaucoup de risques, quitte à frustrer une partie de son audience.


Ces prises de risque sont en adéquation avec des convictions fortes. Les petites maladresses que l'on retrouve à droit et à gauche sont aussi une grande force. Une force naïve, une force poétique à l'image de ses personnages en apparence débiles. Des péquenauds au grand cœur qui n'aspirent qu'à suivre un leader au fond du trou et défaire un tyran despotique.


Kaamelott se fait désirer. Le film met un moment à se mettre en place sans pour autant radoter sur les six saisons qui constituent la série d'origine. Non, si l'intrigue semble patiner dans son introduction c'est pour nous faire découvrir un monde au-delà des frontières du château de Kaamelott. Un univers cohérent, des paysages magnifiques et des royaumes exotiques.


Arthur sera de nouveau un héros. Une phrase qui aura fait fantasmer des millions de personnes pendant des années. Une réflexion qui aura nourri toutes les théories. Mais surtout des mots bien choisis à ne pas prendre au pied de la lettre et qui révéleront tout leur sens dans certains éléments de ce premier long-métrage de la trilogie Kaamelott.


Dialoguiste hors pair, Alexandre Astier retrouve son sens de l'équilibre entre un humour absurde avec la bêtise manifeste de ses personnages et le sérieux d'une histoire aux ambitions shakespeariennes. De grandes ambitions soulignées par une réalisation plus cinématographique sans en dénaturer l'ADN de la série. Cela plaira ou cela ne plaira pas, mais si vous cherchez la poulette, elle sera toujours quelque part dans l'univers si riche de Kaamelott. Conserver l'humour type et une mise en scène en phase avec ce que nous avons connu est un choix très judicieux. Cela crée une belle dissonance entre un contexte historico-fantaisie régi par l'absurde et de belles envolées lyriques


Kaamelott est drôle, mais là où il arrive le plus à surprendre, à prendre le spectateur aux tripes, c'est dans ces moments de grâce, où le temps d'un moment comme figé, un fait d'arme narratif s'illustre par la force d'un regard, d'un acte de bravoure héroïque, d'une action militaire inattendue. Cette poésie propre à son auteur en plus de donner des frissons, rend son univers plus grandiose, plus mémorable.


Conscient de l'enjeu artistique, l'ensemble des équipes ont redoublé d’efforts pour rendre ce spectacle possible et cohérent. Quand la photographie est une invitation au voyage, la bande originale est une invitation à l'aventure, à la reconquête de ce qui a été spoilé sans aucune humanité. Cette rythmique accompagne la narration tout du long et l'on note de ce fait une certaine musicalité dans l'écriture et le montage. Les décors sont beaux, les costumes parfois extravaguants. Un autre constat, l’ensemble de la distribution propose des compositions plus fortes. La décennie écoulée semble avoir été bénéfique à tout le monde, réalisateur inclus.


Kaamelott n'est pas le film parfait qui va mettre tout le monde d'accord, même parmi les fans. Comme une impression que le film aurait gagné à être un poil plus long en laissant certains éléments germer avant d'exploser dans son grand final. Il y a en effets quelques ellipses plus ou moins frustrantes, mais qui s'explique tout de même dans la proposition d'Alexandre Astier. Rentrer directement dans l'action sans "passer par la porte" en déroutera plus d'un. Mais pas de quoi en avoir gros.


Après réflexion, j'ai le sentiment que le film est à la hauteur de ses ambitions. Que son budget a été utilisé avec parcimonie, même si quelques plans SFX manquent de réalisme. Kaamelott n'est jamais pensé comme un film à grand spectacle. Pourtant l’écriture d'Alexandre Astier en fait une œuvre très chevaleresque dont l'humour et la poésie se mêlent en harmonie dans un univers de tous les possibles.


Comme la série, le film va diviser. Je radote, mais il est important de le souligner. Le spectateur que je suis, lui a été ému, troublé, charmé, a rit aux larmes, à eu peur aussi, peur que toutes ces belles émotions s'écroulent en une fraction de seconde. Heureusement il n'en est rien. Que vous soyez fan ou que vous ne connaissiez pas la série, je vous invite chaleureusement à le découvrir en salle. Seul un succès nous offrira le final longuement attendu.


Kaamelott Premier Volet amorce un final grandiose d'une série non moins grandiose de son talentueux auteur et conteur Alexandre Astier. En attendant la suite.

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le 20 juil. 2021

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Massil Nanouche

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