J'étais impatient de découvrir le nouveau film de Yorgos LANTHIMOS d'une part parce que son cinéma me captive, d'autre part parce que le précédent Pauvres Creatures (2021) m'avait laissé dans un inconfort moral, qui a été atténué au second visionnage, mais qui existe quand même.
La forme du film à sketches n'est pas le cinéma qui me passionne le plus, il est rare que tous les segments soient du même niveau et je sors souvent de séances de ce type de films en ayant l'impression d'avoir vu des bonnes idées survolées, non approfondies qui avec un peu de développement d'écriture auraient pu donner autant de films indépendants passionnants. Celui ci ne déroge pas à la règle et si j'ai beaucoup aimé le premier volet et le troisième, le deuxième m'a laissé dans une indifférence polie malgré son postulat.
Le film se propose à travers trois histoires qui flirtent avec le surnaturel, de traiter des thèmes de la manipulation psychologique, de son rapport à une forme de hiérarchie sociale, d'explorer les liens de dominations entre ses personnages. Comme à son habitude, l'œil entomologiste de LANTHIMOS endosse le rôle presque inquisiteur, en tout cas accusateur d'un démiurge prompt à martyriser ses comparses. Une position qui nous place dans le fauteuil du voyeur, qui fait de nous des témoins volontiers complices et dont le risque majeur tient à la limite morale avec laquelle on tient cet propension à violenter physiquement ou psychologiquement ses victimes, une limite que jamais à mon sens ne franchit LANTHIMOS dans son cinéma, pourtant non avare en sévices à l'encontre de ses protagonistes.
Notamment dans son premier court, l'histoire d'un homme si dépendant psychologiquement de son patron, qu'il en vient à son corps défendant à faire des choses qu'il réprouve, j'ai retrouvé l'atmosphère si particulière du film par lequel je découvris et fut conquis par ce cinéaste, Mise a mort du cerf sacre (2017) où là aussi l'on demandait à un personnage de faire un choix cornélien de l'ordre du sacrifice biblique entre son confort moral et la perte de ses valeurs.
Les deux autres courts dont je vous laisse la teneur, vont jouer sur des notions assez fines convoquant pour l'un les dérives sectaires, la manipulation en exergue, pour l'autre la duperie sur personne fragilisée par un événement traumatique.
Etrange, dérangeant, virtuose en termes de réalisation et un grand merci LANTHIMOS a délaissé ses grands angles déformant qui commençait à me lasser pour retrouver un sens du cadre et du mouvement de caméra dans une mise en scène d'une rare maîtrise.
Prix d'interprétation masculine largement mérité pour Jesse PLEMONS, Emma STONE en égérie du cinéaste ne parvient pas à mon sens à incarner de façon plus personnelle, intime ses différents rôles mais la complicité qui lie les deux saute aux yeux, le plaisir qu'ils ont à jouer ensemble leurs jeux pervers et exhibitionnistes se transmettant du coup au spectateur. C'est Willem DAFOE acteur que je vénère, qui m'a ici fait le moins impression.
Je suis convaincu que la forme du film lui nuit, qu'on tenait là trois idées brillantes qui méritaient un traitement plus creusé et développé pour trois films unitaires. Dommage on était pas loin sans ça du 7/10.