Le choc généré par L’Accident de piano vient, pour l’essentiel, du personnage d’Adèle Exarchopoulos, dans lequel se rencontrent d’une part une puérilité tout autant subie qu’assumée comme bêtise à retombées financières, et d’autre part le vide inhérent à toute existence, suivant une esthétique du memento mori surréaliste adoptée depuis quelques films maintenant par Quentin Dupieux. Ce faisant, le cinéaste déconstruit habilement le processus de création d’une influenceuse, de laquelle un public ahuri et benêt se détourne aussitôt qu’elle cesse d’exister à l’état d’image – rappelant en cela le remarquable France (2021) de Bruno Dumont, la profondeur philosophique en moins.
L’éparpillement temporel, puisque le récit cadre voit sa linéarité perturbée par des analepses, prend la forme d’un documentaire juxtaposant les séquences d’archives pour remonter à l’origine d’une vocation, c’est-à-dire au moment où une adolescente frustrée – voir son père hilare devant des expériences diffusées à la télévision mettant en danger la vie d’un homme – sort définitivement de l’enfance, ouvre les yeux sur le monde et trouve là, dans l’image violente génératrice de réactions indifférentes, l’occasion d’exprimer son asymbolie et l’absence d’empathie qu’elle occasionne. Un conte enneigé d’une belle noirceur, aussi glacé que ses fantoches.