F.P.C.R.A.L.F.
Non, ceci n'est point l'acronyme désignant le syndicat chargé de défendre les intérêts et l'image de la police lors de sa représentation sur grand écran.
Non, F.P.C.R.A.L.F., ça signifie : Film Policier Choral Réaliste A La Française.
Presque un genre en soi. Et un genre que j'aime bien.
Mon premier coup de cœur du registre s'appelait L.627, de Bertrand Tavernier. Ça date, il a peut-être un peu vieilli (je verrai en l'abordant plus tard, il figure dans mon challenge "dvdthèque").
Il y a eu aussi le gonflé Polisse de Maïwenn. Et cette Affaire SK1, donc, qui retrace l'affaire Guy Georges, "le tueur de l'est parisien".
Le F.P.C.R.A.L.F. suit certains codes précis.
On débute par l'intégration, plus ou moins aisée, d'un petit nouveau ou petite nouvelle (ici, la belle gueule assez talentueuse de Raphaël Personnaz).
On détaille les surnoms plus ou moins rigolos des membres d'une petite équipe qu'on devine très soudée - normal, vu ce qu'ils affrontent au quotidien, il vaut mieux se serrer les coudes. Là, t'as des gueules, des trognes, des seconds rôles typiques du cinoche tricolore (Thierry Neuvic, Vuillermoz, Gourmet, même s'il est Belge : on le garde !), qui occupent l'écran avec leur faconde et aident, eux aussi, le spectateur à prendre sa place dans la brigade.
Ensuite on se plonge dans le boulot. On découvre les premiers dossiers. On se rend compte du manque de moyens chronique avec laquelle la police française est censée rivaliser avec les technologies surnaturelles des Experts américains. Mais on compense avec de la hargne et un peu d'humour.
Et puis débarque, en général, LA grosse affaire. Celle qui va mobiliser toutes les énergies, plomber les bureaux de milliers de pages d'investigations insolubles, faire naître des obsessions parfois destructrices.
Dans L'Affaire SK1, c'est donc l'enquête sur Guy Georges. Une TRÈS grosse affaire, puisqu'il est question d'un des rares tueurs en série français, qui a sévi pendant une dizaine d'années durant la décennie 1990.
Pour son premier long métrage, Frédéric Tellier aborde le sujet avec tout le sérieux requis (même si des points de discordance ont été soulevés par certains acteurs réels du drame).
Il respecte les codes évoqués ci-dessus, ce qui lui permet de mettre l'humanité et la distance nécessaires dans sa reconstitution des faits par la fiction.
Il ne cherche pas à enjoliver, restant au plus près de son personnage principal, de ses doutes, ses frustrations, ses échecs, animé de ce fameux réalisme qui vise à rendre justice à ceux ayant mené la véritable enquête, enduré la véritable obsession.
Côté casting, outre les noms évoqués plus haut, Nathalie Baye apporte sa solidité au personnage de Frédérique Pons, avocate de Guy Georges. Mine de rien, ce genre de présence contribue aussi à asseoir le sérieux du projet.
Mais le véritable point du fort de la distribution, c'est Adama Niane, à qui échoit le redoutable honneur de jouer le meurtrier. Outre une certaine ressemblance physique, il brille par une composition pleine de subtilité, contournant le piège du tueur fou furieux mais lui procurant tout de même l'aura inquiétante que l'on attend autour d'un tel individu.
Il est effrayant et bouleversant à la fois, il aimante le regard, fascine et repousse. Formidable de bout en bout. Sans un acteur de cette trempe, le film aurait pu basculer dans la caricature, le tirer vers le spectacle de psychopathe. Si l'on devait attribuer un seul mérite à Frédéric Tellier (mais il en a plein d'autres), ce serait d'avoir choisi Adama Niane pour jouer l'injouable.
L'Affaire SK1 est un F.P.C.R.A.L.F. solide, un bon premier film qui ne réinvente pas le genre mais l'investit pleinement. Une bonne affaire, donc.
(Désolé.
Je cherchais une chute. Celle-ci est venue.
Voilà.)