"Je veux faire partie du groupe de contrôle de l’anus !"

Cette critique contient des divulgations non cachées.

Après Le déclin de l’empire américain, les invasions barbares, voici L’âge des Ténèbres.

Suite et fin du triptyque de Denys Arcand.

On quitte les beaux paysages du Québec (du moins pour les 3/4 du film) des deux précédents opus pour une plongée en pleine ville. On retrouve seulement la moitié des personnages mais pas forcément dans un sens positif. Ils sont usés et fatigués; dans un système sur lequel ils ont trop abusé.

Ces protagonistes seront amenés à rencontrer Jean-Marc Leblanc (interprété par l'excellent imitateur Marc Labrèche) qui -incarne également un fonctionnaire au bord de la crise de nerf. JML est un agent municipal désabusé par un système de bureaucratie absurde et interminable. On a une matrice censée aider les gens mais qui se révèle inefficace, préférant faire du feng shui et discourir sur l'utilisation du mot nègre. En émotions fortes, je pense à cette scène où un homme percuté par une moto contre un lampadaire a perdu ses deux jambes. Il doit payer pour la réparation de ce lampadaire. J'ignore si c'est vrai dans le droit canadien (le fait de devoir payer peu importe son niveau d'implication dans une dégradation: auteur, victime) mais on est au comble de l'absurdité et de l'impensable. On est également dans une représentation d'un système où si on le ne connaît personne, on est foutu. Je pense à la femme du cuisinier immigré, qui ne connaissant personne d'influent ne peut retrouver son mari kidnappé par la police.

Notre protagoniste -pour échapper à cette folie ambiante- s'échappe dans un monde imaginaire où il se voit une personnalité importante, chantant, écrivant, parlant et culbutant de la journaliste (running gag du film: "ah moi les ... ça me fait un effet fou !"). Diane Kruger en maîtresse fictive ajoute un petit effet sexy au film qui est très sombre.

Donc en résumé, on a une critique de la société -écartée de la nature- qui s'abandonne dans le sexe, le tabac et le divertissement numérique (jeu grandeur nature, jeux vidéos, musique, télé...).

Notre protagoniste va découvrir que le monde d'aventures qu'il idéalise n'est qu'un fantasme tout pourri, où le même rapport social existe (le page ne rentre pas dans le village, le flic du monde réel incarne un Savonarole vindicatif...). L'herbe n'est pas plus verte ailleurs, chaque endroit a ses défauts. Le vrai plaisir réside dans la nature et vers les actions simples: observer la mer, se taire, éplucher des pommes, jardiner.

D'un point de vue juste sémantique, je trouve que le titre de ce film colle beaucoup plus à la situation que vit le personnage. Par rapport aux deux autres films. On est vraiment dans un monde déshumanisé, sur-technisé, où les rapports sociaux n'existent plus (sauf entre le trio de collègues).

Pour terminer, on a quelques scènes comiques (celle du métro, celle de l'enterrement -mais à moitié comique) mais en moins par rapport aux deux films précédents. La volonté du réalisateur était sûrement de montrer -encore une fois- un monde à bout de souffle.

La critique (tant canadienne que française) a été dure dans ce film que je trouve excellent et que je conseille.

SB44
8
Écrit par

Créée

le 26 oct. 2023

Critique lue 7 fois

SB44

Écrit par

Critique lue 7 fois

D'autres avis sur L'Âge des ténèbres

L'Âge des ténèbres
Bestiol
5

Désabusé-moi

Disons-le tout de suite : cinématographiquement parlant, c'est mauvais, d'où mauvaise note. Reste le portrait sociologique: l'enième film de crise d'un cinquantenaire. Jean-Marc Leblanc se considère...

le 28 janv. 2012

8 j'aime

1

L'Âge des ténèbres
BrunePlatine
8

Les maux du siècle...

Déjà extrêmement fan des deux premiers volets, je retrouve avec plaisir le style et la vision de Denys Arcand, dont j'apprécie beaucoup le regard sur notre société, toujours juste et émouvant. Ici,...

le 11 avr. 2015

6 j'aime

L'Âge des ténèbres
Val_Cancun
5

In tenebris

Dernière partie du triptyque initié par le québécois Denys Arcand, succédant au mordant "Déclin de l'Empire américain" (1986) et à l'excellent "Les invasions barbares" (2003). Malgré sa jolie...

le 9 juin 2015

2 j'aime

Du même critique

L'Iris blanc - Astérix, tome 40
SB44
9

"A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire"

Ah ah je me suis bien marré ! Tant sur le côté satyre de notre société actuelle sur la boboisation (Homeopatix méprisant les provinciaux, les lutéciens fascinés par le mode de vie des provinciaux,...

Par

le 17 déc. 2023

2 j'aime

La Merveilleuse Histoire de Henry Sugar
SB44
8

Ça m'a donné envie de devenir riche

Je médite déjà dans la vie... du coup, si je me concentre assez bien, je peux devenir millionnaire en devinant les cartes au black jack.Si seulement.Comme dit précédement, ça va vite, c'est intense,...

Par

le 2 janv. 2024

1 j'aime

Doctor Who - La créature stellaire
SB44
4

Dubitatif entre un scénario intriguant (sur le papier) et la promotion du wokisme

Tout est dans le titre.Le scénario est intriguant: on retrouve David Tennant (qui était une très bonne incarnation du Dr), on se demande pourquoi il a eu ce visage et Donna Noble (Catherine Tate). On...

Par

le 26 déc. 2023

1 j'aime