La Seconde Guerre mondiale regorge d’anecdotes surprenantes et de faits historiques oubliés qu’il est toujours très plaisant de redécouvrir. L’Aigle s’est envolé retrace l’un d’entre eux : la tentative d’enlèvement du Premier ministre Winston Churchill, en 1943 et en plein sol britannique, par un commando allemand.
Au départ de ce projet fou, une étude de faisabilité commandée par Hitler et Himmler auprès du colonel Radl, alors que le vent tourne et que pointent les difficultés sur le front de l’Est. Une demande farfelue, davantage considérée comme un exercice fictif que comme une réelle requête militaire. Mais le travail contentieux du colonel (et d’espions allemands alors en place sur le territoire anglais) met au jour une opportunité. Avec beaucoup de culot, il serait effectivement possible de ravir Churchill au nez et à la barbe des Alliés. Ce serait un game changer qui redonnerait l’avantage aux Allemands.
Le scénario est basé sur le roman éponyme de Jack Higgings, lui-même adapté du classique britannique Quarante-huit heures, un film réalisé en 1942 par Alberto Cavalcanti sur des parachutistes allemands occupant un village anglais pour planifier une invasion.
Il s’agit de l’ultime film de l’immense réalisateur John Sturges, connu bien sûr pour La Grande Evasion, mais également pour ses westerns d’une grande qualité : Les Sept Mercenaires, Règlement de comptes à OK Corral, Fort Bravo, Sept secondes en enfer, Le Dernier Train de Gun Hill… On retrouve ici la maestria de sa mise en scène, notamment dans les séquences de combats très efficaces. L’Aigle s’est envolé n’a peut-être pas le panache de certains de ses ainés, mais reste un divertissement extrêmement plaisant et savoureux. D’après certains (Sir Michael Caine dans son autobiographie, pour ne pas le citer), le maître hollywoodien – alors physiquement sur le déclin – se serait désintéressé du projet après le tournage (chèque en poche), et n’aurait pas assuré son rôle de chef d’orchestre lors du montage et de la post-production du film. Le bougre ne pouvait pas, il avait pêche.
Pour autant, on ne peut pas dire que L’Aigle s’est envolé est un produit de série B. Son casting est digne des grands films de l’époque, avec Michael Caine en meneur d’hommes haut en couleurs (à la tête du commando allemand), Donald Sutherland dans la peau d’un espion irlandais sympathique, ou encore Donald Pleasence sous les traits d’Himmler.
Bien que classé dans le genre des films de guerre, L’aigle s’est envolé reste léger, divertissant et drôle. Les petites touches d’humour disséminées au fil du long métrage, et certains dialogues bien sentis, lui confèrent un caractère plaisant qui peuvent faire penser à La Grande Vadrouille de Gérard Oury. Ou à un Ministère de la Sale Guerre (de Guy Ritchie) mais aux rôles inversés.
Porté par son scénario piquant qui choisit de suivre sans jugement l’ennemi allemand plutôt que les gentils Alliés, parfaitement rythmé par des scènes d’action et de cascades rocambolesques, L’aigle s’est envolé n’est pas le meilleur film de la carrière de John Sturges, mais propose un spectacle original qu’on aurait tort de refuser.