Application SensCritique : Une semaine après sa sortie, on fait le point ici.

La sensualité de Lady Chatterley’s Lover participe de sa fresque intimiste à rebours de la reconstitution historique traditionnelle : l’ouverture se débarrasse habilement du contexte socio-politique, réduisant la déclaration de guerre à une annonce transmise par un messager et l’épreuve du front à quelques secondes saisissantes, cauchemar à ciel ouvert, pour mieux se saisir de ces deux éléments perturbateurs comme autant d’accélérateurs de particules. Car tout naît du désir, comprenons du manque – d’un être puis d’une motricité – que notre héroïne apprend à combler à sa manière ; en parallèle se construit un arc narratif tout entier consacré à la réparation du corps et de l’estime de soi du soldat cassé, qui s’épanouit lui aussi dans les bras d’un(e) autre, et qu’une jalousie, comprenons une fois encore un désir issu d’un manque, réveillera.

Just Jaeckin s’attache, une fois encore, à représenter le désir amoureux comme la rencontre d’un fantasme et des interdits qui pèsent sur lui : le garde champêtre est d’abord entraperçu au travers du feuillage, comme nous l’observions partiellement peu de temps auparavant lors d’une apparition fugace en compagnie de sa chienne ; l’adultère oscille entre la passion et la fracture idéologique sur fond de lutte des classes, Oliver Mellors ne cessant de dégrader sa lyrique amoureuse (déjà bourrue) en pamphlets véhéments et sa relation en marque supplémentaire d’exploitation. Face à lui, Sir Clifford Chatterley s’empêtre dans ses contradictions : sa tolérance ne constitue qu’une façade derrière laquelle cacher sa peur panique de voir son monde disparaître, lui qui faisait l’éloge, au petit-déjeuner, du changement… Deux hommes, deux entités contradictoires qui dévoilent, par contrastes, la constance et la puissance de la femme, seule capable de transgresser l’ordre établi : allégorie de la modernité, elle bénéficie du talent d’un metteur en scène, de son chef opérateur Robert Fraisse (L’Amant de Jean-Jacques Annaud, en 1992, pour ne citer qu’un exemple), à la photographie somptueuse, et du décorateur Anton Furst qui prouve une nouvelle fois son talent après Alien (Ridley Scott, 1979). Notons enfin le dynamisme de la partition musicale de Stanley Myers et Richard Harvey, qui accompagne parfaitement une œuvre de toute beauté.

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