D'une inattendue profondeur (et justesse)

Une formidable réussite pour Lattuada qui signe ce drame (psychologique) sous la forme d'un portrait féminin écrit avec intelligence. Parmi ses nombreuses qualités, il y a d'abord sa construction dramatique qui joue des clichés romantiques (à l'imagerie digne des mauvais romans de gare) et des fantasmes qui s'inscrivent dans le quotidien de l'héroïne sans qu'ils soient surlignés, seulement différenciés par des angles de prises de vue un peu moins naturels. Une manière habile de confronter la frustration, la crise existentielle et les désirs de Lisa Gastoni face à une société de plus en plus libérée sexuellement, bien qu'hypocrite. Elle commence donc à multiplier les conquêtes tant par provocation envers son mari, par défi envers sa meilleure amie et dans le besoin de se rassurer, de se prouver quelque chose. Elle n'agit ainsi jamais par calcul, manipulation ou méchanceté et c'est naturellement qu'elle se trouve acculée, sans se rendre compte des conséquences qui vont inévitablement arriver.
L'autre qualité de L'amica est de ne pas se reposer sur les dialogues pour expliciter les états d'âmes et l'évolution de Gastoni. Les confrontations sont finalement assez rares, par contre la comédienne est pour ainsi dire de tous les plans et déploie un malaise intérieur qui se distille d'une scène à l'autre. Elle porte le film sur ses épaules et irradie l'écran avec un spleen et une sensualité mal canalisée. C'est un vraie révélation pour moi (même si je dois reconnaître qu'elle est moins à l'aise quand elle doit extérioriser ses émotions comme quand elle se met à pleurer dans sa chambre).
Pour autant la mise en scène de Lattuada ne se repose pas seulement sur elle et s'avère précise où les scènes clés sont dénuées de paroles (les retrouvailles entre le père et le fils à la fils). Il pourrait jouer la facilité, chercher la provocation, appuyer les effets, tomber dans la mélodrame mais son film est toujours juste, y compris dans son approche de la nudité, ni puritaine ni complaisante. Il parvient ainsi à humaniser et à étoffer chacun de ses personnages avec peu de scènes pour mieux sortir des simples stéréotypes.

anthonyplu
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le 18 mars 2019

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