Encore un film de Lelouch que je découvre, et encore une agréable surprise qui renforce cette interrogation : Pourquoi ce type est-il devenu l'ennemi public numéro 1 aux yeux des journalistes français ? Pourquoi les critiques en ont-elles fait leur punching-ball préféré ?


Ça ne peut être une question de mégalomanie en interview ? Bresson l'est tout autant. Ça ne peut être en raison de ses croûtes des 25 dernières années ? Il se faisait déjà tuer avant durant son "âge d'or", et à ce compte là, combien de réalisateurs français des années 60 ont fait des films ratés entre 80 et les années 2000 ?


Le film date de 62, et se signale, il est vrai, par quelques plans un peu agaçants - probablement en raison de son goût pour l'expérimentation. Lelouch montre une nouvelle fois sa fascination pour les truands, se questionne sur la justice, et les apparences, forcément prétexte à jeu quand on tient une caméra. Toujours dans une liberté absolue, il ne sollicite aucune star pour partager l'affiche. Il se fait plaisir avec une poursuite en voiture inutile. Joue avec les images d'archives et place même un vrai micro-trottoir mené par Jacques Martin qui questionne les gens sur les crimes, les violeurs, les hommes et ce qu'il faut en faire. Un ovni. J'étais presque gêné tout une partie du film en me demandant où il voulait nous emmener avec cette histoire de violeur d'enfant en cavale.


Et à la fin j'ai compris qu'il était très fort en mise en scène. J'ai rarement basculé d'un sentiment à un autre en aussi peu de temps. Et sans voir venir l'astuce. En jouant avec les points de vue, il montre la difficulté extrême d'appliquer la peine de mort. Au pénal les jurés d'assises ont fatalement une vision limitée, ou du moins très encadrée des événements. Des faits présentés par des filtres opposés : le procureur et la défense.


Grâce à ce montage astucieux, le spectateur juge rapidement sur les apparences : la gueule de Guy Mairesse et ses actions. Ses paroles sont interprétées à l’aune d'a priori très superficiels. Le personnage de Janine Maignan, est à l'opposé perçu comme la victime potentielle, parce qu'elle est charmante, enjouée. C'est tout l'inverse qui va sauter aux yeux du spectateur avec un twist très habile.


Lelouch filme comme personne, il ne se prend pour personne d'autre que lui - d'où sa mégalomanie - mais cela a le mérite de rendre ses films des années 70 assez uniques et imprévisibles.


L'Amour avec des si a rencontré un petit succès en Suède en raison du fait qu'Ingmar Bergman avait apprécié le film visionné à l'occasion d'un festival (et Ingmar n'est pas le genre à cirer les pompes à qui que ce soit, Godard peut en témoigner). Cette exploitation surprise a permis une sortie en France par la suite.


Ceci étant dit, il ne s'agit pas du meilleur film de Lelouch. Il a quelques longueurs (la poursuite en voiture, la scène au restaurant), et quelques curiosités dispensables (le clip de Los Brutos qui tombe comme un cheveux sur la soupe).


Il n'en demeure pas moins un film injustement massacré par la critique française de l'époque qui mérite d'être découvert.

Negreanu
7
Écrit par

Créée

le 9 oct. 2020

Critique lue 157 fois

5 j'aime

Negreanu

Écrit par

Critique lue 157 fois

5

D'autres avis sur L'Amour avec des si

L'Amour avec des si
magyalmar
7

Psychose

Non décidément je ne comprends pas pourquoi la critique française s'est acharnée sur Lelouch comme sur un inspecteur des impôts gisant à terre avec une pancarte "Kick me". Ca a commencé avec Le...

le 18 oct. 2015

4 j'aime

4

L'Amour avec des si
Martoni
7

Troublant

L’amour avec des si est une sorte de « road movie » à la Française se déroulant au milieux des paysages enneigés du nord de la France: décors sublimes et envoutants d’une intrigue posant un...

le 17 janv. 2016

2 j'aime

L'Amour avec des si
estonius
7

Bancal mais intéressant et attachant à plus d'un titre

Un film bancal mais intéressant et attachant à plus d'un titre, déjà le concept est tout à fait inattendu et bluffant à souhait, et puis il y a l'interprétation très amusante de la ravissante Janine...

le 24 sept. 2018

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

36 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

6

Mort à 2020
Negreanu
2

Death to "Death to 2020".

Charlie Brooker n'y est plus. Les deux dernières saisons de Black Mirror le laissaient présager, mais son faux docu sur 2020 pour Netflix est le plus souvent consternant et confirme la mauvaise passe...

le 6 janv. 2021

25 j'aime

10