Noventa y nueve mujeres constitue sans conteste l’une des grandes réussites de Jess Franco, tant par les élans de mise en scène capables de poétiser voire de sublimer les enjeux d’un récit tourné, au contraire, du côté de la laideur. Les exactions imposées aux détenues ne sont pas explicitement montrées, prises en charge par une esthétique du détour et par un goût pour la métaphore ; la caméra refuse ainsi toute fétichisation du pouvoir, s’attache plutôt aux relations entre les prisonnières qu’elle retranscrit avec pudeur – qualité que nous ne connaissions pas au cinéaste !
Cette douceur n’empêche pas la radicalité d’une œuvre qui, dans son dernier acte, retranscrit avec intelligence les mouvements de révolte qui résonnent avec l’actualité de l’Espagne de la fin des années 60. Envoyée sur place pour constater les abus, la jeune inspectrice Leonie souhaite imposer un assouplissement des règles de détention mais obtient, sans le vouloir, l’inverse de son projet : la mutinerie figure un chaos inacceptable par les autorités et sera punie par un retour à l’ordre plus féroce encore, sous le prétexte de cet appel au chaos. Dans la dynamique entre ordre établi et contestation se problématise la notion de dissidence : chercher à renverser un système politique autoritaire par le désordre, n’est-ce pas contribuer à son renforcement voire à son durcissement ? Le film intéresse et saisit le spectateur, annonce le Salò o le centoventi giornate di Sodoma (Pier Paolo Pasolini, 1975) qui sortira six ans plus tard, ainsi que le sous-genre japonais des films de séquestration érotique façon La Femme scorpion (Shun’ya Itō, 1972).