Première critique d'un film de Kurosawa, je me lance timidement. J'entame là une rétrospective des films du cinéaste, j'ai déjà vu quelques-uns de ses classiques (Les Sept Samourais, Yojimbo... mais lequel n'en est pas un ?), mais j'ai finalement décidé de reprendre sa filmographie depuis ses débuts, et d'y aller chronologiquement.
L'Ange ivre, dont il est question ici, marque la première collaboration entre Kurosawa et Toshirô Mifune - un Mifune très jeune, sans barbe, en costard blanc... bref, difficile de reconnaître l'homme enragé de Rashomon, ou même le sage Barberousse.
Le personnage qu'il incarne ici, à l'instar de l'acteur qu'il est alors, semble un peu inexpérimenté et fragile, mais l'émotion est déjà là, très vive. On le retrouve/reconnaît dans des regards, comme celui (bestial) qu'il lance à sa partenaire dans une danse fiévreuse, ou encore lorsque son désespoir se dessine (entre rire et silence), assis et complètement ivre, chez le médecin.

Ici il joue un jeune yakuza blessé par balle, qui se rend chez un toubib (interprété par un Takashi Shimura en grande forme) ; celui-ci, après l'avoir soigné, découvre qu'il est atteint de tuberculose. Mais voilà, Mifune n'accepte pas ce diagnostic, joue les durs, et se bat contre cette vérité pendant que quelque chose pourrit en lui.
J'ai avant tout réalisé que j'étais très sensible à ce genre d'histoires : au centre du récit, un personnage se retrouve tiraillé entre la raison et les exigences du milieu dans lequel il évolue. Sans dimension moraliste, on suit simplement le personnage qui se débat, recherche la liberté, quand sa faiblesse le renvoie toujours à sa condition et aux siens. Ça m'a rappelé le personnage de Brando dans Sur les Quais. Les deux films n'ont pas grand chose en commun en réalité, mais on y ressent de la même manière cet étau qui se ressert autour d'un jeune personnage qui n'a pas suivi le code de conduite à la lettre.
Le rôle sied à merveille à Mifune, dont la figure se décompose au fur et à mesure que l'histoire avance. Le duo improbable qu'il forme avec Shimura, vieux médecin alcoolique et grande gueule - pour lequel on ne peut avoir que la plus grande sympathie - est le moteur du film. Deux personnages que tout sépare à première vue, malgré un penchant commun pour l'alcool. Tous deux révéleront surtout une innocence des plus touchantes.



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le 12 juin 2012

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