Tueurs médiocres
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Nathalie, en appât vénusien, subjugue les hommes nantis et ouvre à ses acolytes l’accès au logis de la victime.
Avec L’Appât, Bertrand Tavernier s’inspire hautement de l’infamante affaire Hattab-Sarraud-Subra, épisode judiciaire retentissant qui bouleversa l’opinion publique au tournant des années nonante. Le cinéaste, en délaissant l’apparat superflu des reconstitutions outrancières, érige un récit aux résonances funestes, où l’ombre du réel plane, massive et impérieuse. Loin d’une fresque tonitruante, il choisit la voie d’une sobriété féconde, donnant à son film la force austère d’un document véridique transmué en fiction.
La figure de Nathalie, ingénument perverse, illustre cette génération en errance, dépourvue d’horizon et pourtant avide d’ascension sociale. Le réalisateur peint avec minutie une jeunesse viciée par le vide existentiel, où le désœuvrement engendre des pulsions rapaces. Le spectateur, presque malgré lui, s’attache à ces jeunes criminels, happé par leur fragilité apparente et leur désarmante banalité, avant que ne se révèle l’horreur des exactions commises. Cette ambiguïté, savamment entretenue, confère au métrage une inquiétante profondeur morale.
Le metteur en scène déploie ici son talent coutumier à filmer le réel sans l’édulcorer ni le travestir comme dans L.624. Sa caméra, à la fois sobre et vigilante, se refuse à tout maniérisme. Elle capte l’ordinaire dans sa désolation crue, transformant un décor banal en théâtre du crime. Cette absence d’artifice — paradoxalement somptueuse dans sa rigueur — fait naître une violence d’autant plus dérangeante qu’elle émerge d’un univers prosaïque, familier et désenchanté.
Le film dérange précisément parce qu’il trouble la boussole éthique du public. Ces jeunes prédateurs, aux visages juvéniles et aux gestes maladroitement tendres, acquièrent par instants une aura pratiquement sympathique. Mais la révélation progressive de leurs forfaits — calculés, froids, inexcusables — dissipe brutalement toute indulgence. L’œuvre parvient ainsi à mettre en exergue l’abîme qui sépare l’apparence de l’être, et l’innocence feinte de la culpabilité manifeste.
Œuvre chamarrée dans sa simplicité même, cette production témoigne du pouvoir de Bertrand Tavernier à élever le fait divers au rang d’allégorie sociale. Sans emphase tapageuse, mais avec gravité, il ausculte la déshérence d’une jeunesse ordinaire, et révèle la violence latente sous les apparences les plus triviales. Film paradigmatique d’un réalisme désenchanté, il confirme la capacité du cinéaste à conjuguer rigueur morale et efficacité dramatique.
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le 21 sept. 2025
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