L’Empereur de Paris est un film français de 2018 réalisé par Jean-François RICHET (entre autre L’Instinct de mort et L’Ennemi public n°1 en 2008, les deux films sur Jacques MESRINE).


Dans ce film historique, nous suivons le périple d’Eugène-François Vidocq (Vincent CASSEL) entre emprisonnement aux galères et règlements de compte dans les bas-fonds parisiens, pendant l’Empire.


Après son évasion des galères avec l’aide d’un mystérieux alsacien, nous retrouvons Vidocq dans un Paris balzacien : architecture anarchique, immeubles décrépies à colombage, coupe-gorges tortueux, trottoirs boueux et encombrés, quartiers vivants, brouhaha continuel et obscurité menaçante. Nous sommes effectivement dans la première moitié du XIXème siècle et Haussmann n’est pas encore passé par là.


Face à la criminalité galopante et soucieux de se réhabiliter aux yeux de la justice, Vidocq décide de monter un petit groupe de laissés pour compte et de nettoyer la ville de la pègre. Mais son efficacité et les résultats fulgurants qu’il va obtenir attireront l’attention d’un ennemi plus fou que les précédents et aux méthodes encore plus expéditives. Vidocq devra alors affronter une vieille connaissance pour sauver sa vie et éprouver la valeur de son engagement controversé auprès des forces de l’ordre.


L’Empereur de Paris est un film de bonne facture qui bénéficie d’indéniables qualités techniques. En effet, les costumes et les décors sont tous à fait convaincants et réalistes. Le soin attaché à la reconstitution de ces deux éléments a d’ailleurs été récompensé à juste titres par deux césars en 2019. Les effets visuels sont eux aussi très bien fait et prouvent que le cinéma français dispose de vrais professionnels du numérique (nombre de jeux vidéo l’avait et le montrent encore aujourd’hui). Les plans de l’arc de triomphe en construction ou du quartier des tanneurs autour de la Bièvre sont immersifs et ont une valeur documentaire et patrimoniale intéressante.


Les scènes d’actions sont efficaces, simples et sans prétentions, plus proches d’un Sherlock Holmes de Guy Ritchi que d’un James Bond époque Daniel Graig ou d’un Fast and Furious. Certes, il ne s’agit que de duel au pistolet ou à main nue et le film aurait pu varier un peu plus ses péripéties. Il n’y a pas de courses poursuites à cheval ou en calèche ni d’explosions de baril de poudre. Pour autant, les chorégraphies des combats sont lisibles et les affrontements sobrement filmés. Et l’on peut dire que les personnages prennent cher. On voit et on sent que ce n’est pas de la gonflette mais bien du combat de rue, lourd et puissant, entre des hommes et des femmes qui ont appris la lutte et la survie dans les bas-fonds, à la dure et depuis leur plus tendre enfance.


Cependant, et nous entrons ici dans les éléments négatifs, le film est long (2h) et son rythme est curieusement lent. Cela semble dû à une mise en scène et à un montage assez plat. Mais surtout à un scénario et à des enjeux dramatiques des plus simples et fades. Les scènes d’action ne sont pas introduites ou trop rapidement. Il n’y a pas de suspense, seulement des plans qui se suivent sans véhiculer d’information visuelle particulière ou d’émotion. Certaines séquences comme les arrestations en cascade orchestrée par « la brigade de sureté » n’ont aucune envergures alors qu’elles correspondent aux scènes de caractérisation et de construction du héros (le héros et son équipe en action à travers leurs œuvres). De plus, la partition, pourtant écrite par Marco BELTRAMI (compositeur des musiques de Hellboy - 2004 ou Logan - 2017 entre autre) n’est pas particulièrement mémorable pour rehausser les images.


Alors que la dimension politique du film est bien marquée par la présence du personnage de Fouqué, les nombreux drapeaux tricolores visibles un peu partout et les nombreux parallèles avec la Grande Histoire, les enjeux dramatiques restent très individuels et se résument à des règlements de compte dans les bas-fonds parisiens. Il n’y a pas de complots mettant à mal l’avenir de l’Empire ou changeant le destin et les convictions des personnages.


Bien sûr, le scénario de L’Empereur de Paris est réaliste et très proche de la véritable vie d’Eugène-François Vidocq. Mais les films historiques récents nous avaient habitués aux écarts scénaristiques avec la réalité historique pour agrémenter le tout (cf Le Pacte des Loups en 2001 ou Vidocq en 2000). Mais passons, le film n’en est pas moins intéressant, juste moins impressionnant.


De même, Vincent CASSEL nous a habitués à des personnages subtils et tourmentés, complexes et décalés. Or ici, il campe un Vidocq monolithique dont le seul objectif est de prouver son innocence et de se dissocier de la pègre dont il est issu. Il s’agit vraiment d'un héros foncièrement bon et complètement intègre qui lutte contre l’injustice dont il est victime. Son Vidocq est taciturne, sans répartie et son visage reflète constamment la dureté de la droiture sans ambiguïté. Le personnage peut en être moins passionnant, moins déroutant.


Enfin, et c’est là l’élément le plus problématique, le scénario semble souffrir d’un manque de profondeur et d’une certaine qualité d’écriture. Certains personnages ne bénéficient d’aucune écriture (le personnage d’Olga KURYLENKO et celui de l’acolyte ivrogne de Vidocq, assassiné dans la rue sans que la scène ait le moindre impact sur le reste de l’histoire). L’amitié entre les deux protagonistes (Vidocq et le mystérieux alsacien) n’est pas suffisamment soulignée pour justifier le retournement de situation et leur antagonisme futur. Le dit antagonisme n’a pas de fondement particulièrement solide (« Veux-tu être mon ami ? –Non, je travaille seul. – Roh, alors, tu n’est plus mon copain. ») et aucun des deux personnage ne justifie ses positions lors de l’affrontement final qui n’est alors plus qu’un simple combat physique (et non un affrontement d’idées ou de positions).


Cet affrontement a aussi lieu dans les travées de la cathédrale Saint Maclou de Pontoise. Beau cadre et excellente idée d’illustration de la lutte entre le bien et le mal mais rien ne souligne cela et peut-être suis-je le seul à avoir vu cette métaphore.


Au final, l’Empereur de Paris est un film à la forme travaillée et maitrisée mais au fond un peu trop simple et inachevé. Il faut louer l’initiative d’un long-métrage français d’aventure d’envergure et de qualité. C'est aussi un film qui prime par son réalisme. Les exécutions en pleine rue marquent les esprits et rappellent immanquablement la dure réalité des agissements de certains groupes criminels d'aujourd'hui. Mais je m’attendais à quelque chose de plus sombre et de plus ambivalent, à l’image d’un film policier ou d’un roman noir en costume comme avait pu l’être en son temps et quoi qu’on en dise, le Vidocq de PITOFF.

Créée

le 25 mai 2020

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