Le sanglier solitaire
L'empereur de Paris est un film ambitieux. A visée populaire mais très ambitieux et qui s'est donné de gros moyens (à l'échelle française en tous cas) pour y parvenir. Eric Besnard, son scénariste,...
le 4 nov. 2018
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Il y a quelques semaines, à l'occasion de ma critique de Monsieur N., je regrettais la disparition de Napoléon et du Premier Empire dans le paysage cinématographique français du XXIème siècle. Imaginez donc ma joie en découvrant la bande-annonce de L'Empereur de Paris de Jean-François Richet, nouvelle adaptation des aventures du célèbre policier Vidocq, cinquante ans après la série avec Claude Brasseur et vingt après le piteux film de Pitof ! À l'instar du film d'Antoine de Caunes, celui de Richet affichait un casting remarquable et, pour sa part, beaucoup de moyens. Je n'ai jamais visionné les deux films du réalisateur consacrés à Mesrine (toujours avec Vincent Cassel), mais j'étais plus que séduit à l'idée d'un bon polar situé dans la capitale de l'éphémère Empire français.
Puis les critiques sont sorties, assez mitigées ; j'ai fait l'impasse sur mon ticket de cinéma, et ce n'est que deux ans plus tard que je me suis enfin attaqué à L'Empereur de Paris... et à l'instar des nombreux ennemis de Napoléon, j'aurais mieux fait de m'abstenir. Cela me fait mal, de dire ça ; vraiment, sur le papier L'Empereur de Paris a tout pour me séduire, et j'apprécie l'ambition de Jean-François Richet, ainsi que les moyens déployés : la reconstitution du Paris impérial est excellente, à la fois grandiose et claustrophobe, avec une attention toute particulière portée aux costumes (somptueux) et aux intérieurs (le style Empire est vraiment photogénique, surtout en clair-obscur). Il y a également une sincère tentative de replacer l'époque dans son contexte, notamment en mettant l'accent sur la difficile transition entre monarchie, république et empire à laquelle s'est essayé Bonaparte, ce que j'apprécie car l'exercice n'est pas aisé, comme l'a montré la série Napoléon avec Christian Clavier.
Mais si L'Empereur de Paris fonctionne en tant que présentation succincte de la société impériale, il échoue en tant que... film policier ? Film historique ? Film épique ? Ce n'est pas facile de le définir, et là est son principal problème, selon moi : un clair manque d'identité, dont résulte un scénario bancal et banal. On a le sentiment d'avoir affaire à un scénario de série TV adapté à la va-vite en film de moins de deux heures. Après un début prometteur sur un ponton toulonnais, les événements s'enchaînent sans grande cohérence dès lors que l'action se projette dans le temps et dans l'espace.
Pire, l'intrigue n'avance très vite qu'à coups de clichés : l'évasion sous-marine dont OSS 117 s'était moqué avec brio, le héros qui se tient à carreaux tandis que ses co-détenus deviennent des seigneurs de la pègre, la voleuse/prostituée au grand cœur, le policier compétent mais borné à la Javert, le hussard romantique, le mamelouk de service... dans son souci légitime de distribuer sa grosse production à l'étranger, Richet accumule les poncifs hollywoodiens du film policier comme du film napoléonien. L'influence de divers médias comme le film Les Duellistes de Ridley Scott (le combat final du hussard) et le jeu vidéo Assassin's Creed : Unity (la "cour des miracles" dans les entrailles parisiennes, la partie de cache-cache et le duel dans Notre-Dame) se fait sentir, sans que L'Empereur de Paris ne parvienne réellement à imposer sa propre identité.
Mais aussi basique soit-elle, ce n'est pas tant l'intrigue que les personnages qui souffrent le plus de ce manque d'originalité et d'audace. Personne ne conteste son charisme à Vincent Cassel, surtout dans ce genre de rôle, mais son Vidocq n'a aucune personnalité propre : c'est un mélange de Jean Valjean, criminel malgré lui, et de Roger Moore en 007, qui connaît toujours la biographie de ses ennemis dans le moindre détail ! Sa romance tombe à plat, son passé n'est que brièvement évoqué, ses motivations ne vont guère au-delà du bête instinct de survie, et il en résulte un héros aussi fade que basique, malgré tous les louables efforts de son interprète, ce qui est particulièrement préjudiciable lorsqu'il est le personnage titulaire, et donc censé porter le film sur ses épaules !
Ses partenaires à l'écran, tous aussi talentueux que lui, sont tout aussi mal servis : Denis Ménochet, comme je le disais, joue une version bourrue de Javert, James Thiérrée se contente d'un mix entre Iñigo Montoya et Keith Carradine, Olga Kurylenko a fière allure dans ses robes d'époque mais c'est à peu près tout, Denis Lavant fait la grimace car vous comprenez, il est très méchant et très hargneux, Patrick Chesnais s'en sort un peu mieux en bureaucrate dépassé tandis que Fabrice Lucchini continue de prouver que ce n'est même plus la peine d'essayer de jouer l'insaisissable Fouché depuis, tiens, Claude Brasseur dans Le Souper. L'Allemand August Diehl, pour sa part, montre une nouvelle fois qu'il est l'un des meilleurs acteurs du moment, mais il n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent et ne fonctionne guère que grâce à son aura menaçante.
Un beau gâchis d'acteurs, vraiment. Mais on pourrait en dire autant du film dans son ensemble : c'est joli à regarder, mais vide et barbant. Bande-son criarde (Beltrami fonctionne mieux dans les grands espaces américains que dans les avenues parisiennes), montage assez rude qui n'aide guère les séquences d'action, dialogues peu inspirés ("Louis XVI et Robespierre n'ont pas été guillotinés pour ce qu'ils étaient mais pour ce qu'ils symbolisaient", débite ainsi Lucchini, se voulant profond) sont autant de griefs que je pourrais ajouter à une longue liste qui tend à me faire penser que, hélas, l'attente va être encore longue : L'Empereur de Paris semble d'ores et déjà cantonné au caniveau, lui qui aurait pu amorcer le renouveau de la période napoléonienne à l'écran... des héros Dieu trompait l'espérance ; tu désertais, Victoire, et le sort était las...
Créée
le 19 août 2020
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