Années 80.Dennis Alan,un anthropologue bostonien,part pour Haïti,missionné par un laboratoire afin de découvrir la fabrication de la fameuse poudre à zombie,qui permet de mettre provisoirement en sommeil les fonctions vitales.Ce sera compliqué car il s'agit d'un secret bien gardé,et le contexte est explosif ,entre la police ultra répressive du dictateur Duvalier et la révolte qui gronde au sein d'une population miséreuse,d'autant que Dennis,qui a goûté au produit lors d'un précédent séjour haïtien,est victime de terrifiantes hallucinations.La carrière de Wes Craven était déjà bien lancée en cette fin des années 80 et il tournait environ un film par an,toujours dans le genre horrifique.Celui-ci est une jolie réussite,le réalisateur créant une ambiance poisseuse pour explorer les dessous du vaudou,ce rite caribéen plus important à Haïti que la religion chrétienne pourtant bien implantée,tout en décrivant une situation politique instable et périlleuse,car il ne fait jamais bon se trouver au milieu d'une révolution.L'habile scénario de Richard Maxwell et Adam Rodman adapte un livre de l'ethnobotaniste et anthropologue Wade Davis,inspiré parait-il d'une histoire vraie,ce qui permet aux auteurs de mélanger faits réels et fiction flirtant avec le fantastique.Objectivement,plus qu'un film d'horreur,il s'agit d'une oeuvre traitant d'Haïti et de la drogue.Ce pays de misère était à l'époque le plus pauvre de la planète et,hasard de la géopolitique,il l'est encore à l'heure actuelle.Certes,il y a eu depuis le tremblement de terre,mais force est de constater que,révolution ou pas,la situation ne s'est jamais vraiment améliorée là-bas.Il y a eu d'autres révoltes,d'autres promesses,d'autres dictateurs,mais ça ne va pas mieux.Sans doute la répression est-elle moins musclée aujourd'hui,il faut dire que le régime Duvalier était particulièrement sanglant,et le filme le montre frontalement.Arrestations arbitraires,emprisonnements abusifs,tortures sadiques,assassinats si affinités,tout le catalogue est étalé.Jean-Claude Duvalier,dit Baby Doc,a succédé à son père François en tant que président à vie de ce pays qu'il a finalement dirigé de 71 à 86 avant d'être chassé du pouvoir et de fuir l'île.Ses sinistres sbires,les fameux Tontons Macoutes,n'ont par contre pas tous pu échapper à la colère populaire,ce que nous montre le final du film.Eh oui,c'est à chaque fois pareil,quand ça tourne mal les donneurs d'ordres se barrent et le petit personnel reste sur place à se faire massacrer.Et les drogues donc,car Haïti est le berceau du zombie.Le premier film de zombies est "Les morts-vivants",réalisé par Victor Halperin en 1932,et ça se passait déjà à Haïti.Ce film décrivait très bien le processus de zombification,avec la prise du produit paralysant les fonctions vitales,l'enterrement du "défunt" et son déterrement durant la nuit,faisant croire à une résurrection.Le pire est que cette substance existe réellement,et qu'elle est riche de potentialités médicales,d'où l'intérêt que lui portent les labos.Mais il parait qu'on n'a jamais pu en connaître la composition exacte.Du coup il semblerait que Davis se soit beaucoup projeté dans le personnage d'Alan,mais il n'a probablement pas vécu les mêmes aventures.Craven filme ça de manière puissante et réaliste,se plongeant dans les magnifiques décors luxuriants,la moiteur sexuée,l'exubérance locale,la crasse omniprésente,la foule processionnaire,fêtarde ou révolutionnaire ,les possessions vaudou brutales et les personnages hors-normes.La dimension horrifique est largement exploitée,entre la violence des tortures et les visions cauchemardesques du héros,qui ne sont pas exemptes d'excellents effets gore.Tout ceci est assez flippant et l'angoisse est augmentée par la photo crue de John Lindley et la musique funèbre de Brad Fiedel.C'est produit et distribué par Universal,et Rob Cohen fait partie des producteurs.La narration est cependant parfois assez confuse,avec des ellipses bizarres,et les dernières scènes sont un peu trop "américaines",avec des bastons spectaculaires,des rebondissements ineptes et un happy-end forcé.Bill Pullman est très bon dans le rôle principal,secondé par la belle Cathy Tyson,révélée deux ans avant dans "Mona Lisa",qui irradie de sensualité en doctoresse haïtienne consacrée au culte primal.Pas de locaux parmi les acteurs jouant les haïtiens,mais une belle brochette de comédiens noirs figurant dans le haut du panier.Le Sud-Africain Zakes Mokae fout carrément les flubes en chef de la police menaçant et sadique,et il y a les Américains Paul Winfield,très à l'aise en truand qui est au courant de tout,Brent Jennings ,solaire en sorcier fabricant de substances psychotropes,et Badja Djola,terrifiant en exécuteur des basses besognes.Pour les scènes de Boston,on a Michael Gough en mentor d'Alan et Paul Guilfoyle en patron de laboratoire.Notes et critiques de films de Wes Craven publiées précédemment:"Scream 4"-6,"Scream 2"-7,"Scream"-8.Moyenne:7.